Amours Celtes sexe et magie
infidélités d’une reine revêtue d’une aura « solaire », mais qu’on pourrait qualifier de « putain royale ». Car, symboliquement, la souveraineté se transmet par le sexe.
Cette représentation emblématique, c’est la reine Maeve (Mebdh) de Connaught, personnage étonnant, bien que son existence soit purement mythique. Son nom est d’ailleurs tout un programme puisqu’il signifie à la fois « ivresse » et « milieu ». Elle est à la fois la médiatrice entre le visible et l’invisible, entre les dieux et les hommes, entre le ciel et la terre, et celle qui, par l’ivresse , permet d’accéder à un état de conscience supérieur. Cela n’est d’ailleurs pas incompatible avec la tyrannie .
La tradition irlandaise prétend que Maeve fut l’épouse de neuf rois. On disait également que seul celui qui l’avait épousée pouvait devenir roi. On raconte encore que tant que le roi Cormac ne dormit pas avec elle, on ne reconnut pas sa légitimité de souverain. Et, dans de nombreux récits, elle est vraiment représentée comme la « putain royale » : elle prodigue en effet, nous dit-on, l’ amitié de ses cuisses (ou de sa hanche ) à tout guerrier qu’elle juge indispensable à la réussite d’une expédition guerrière. Et c’est là qu’on peut comprendre le rôle de la reine Guenièvre, aux multiples amants , dans la légende arthurienne primitive.
C’est ainsi que, pour engager cette guerre inexpiable contre l’Ulster, dans le but de s’emparer d’un taureau magique ou divin, la reine Maeve réunit autour d’elle les meilleurs guerriers qu’elle peut trouver. Parmi eux, il y a le héros Fergus, dont la sexualité est insatiable, et pour se concilier sa fidélité, elle n’hésite pas à coucher avec lui. Or, lorsqu’un serviteur vient dire à son époux, le roi Ailill, qu’il a surpris le couple en flagrant délit, le roi, pourtant saisi de jalousie, lui répond que c’était une chose nécessaire pour assurer le succès de l’expédition. Cela n’empêchera d’ailleurs pas Ailill, beaucoup plus tard, de se venger cruellement en faisant tuer traîtreusement Fergus.
Cette réaction du roi peut être rapprochée de celle du roi Arthur qui, dans la version très christianisée du Lancelot , ayant constaté d’une part la bravoure de ce chevalier venu d’ailleurs, d’autre part l’impact que Guenièvre a sur lui, n’hésite pas à demander à son épouse de tout faire afin de le retenir à la cour et de l’intégrer aux compagnons de la Table ronde. Tout se passe comme si le roi, par avance, tolérait la relation adultère qui allait s’instaurer et qu’il acceptait d’être lui-même cocu, par raison d’État en quelque sorte. Le personnage de Guenièvre, d’un point de vue symbolique, correspond exactement à celui de Maeve. Et le roi, que ce soit Arthur ou Ailill, est comparable au roi du jeu d’échecs : il demeure passif et c’est la reine qui peut se déplacer en tout sens, mais lorsque le roi est « coincé », lorsqu’il y a « échec et mat », la partie est inexorablement perdue.
Les innombrables péripéties racontées dans les manuscrits irlandais sont une illustration parfaite de cette « passivité » du roi de type celtique, qui est peut-être de « droit divin », mais qui n’en est pas moins tributaire de ses sujets. Car il est choisi par eux comme étant celui qui peut le mieux assurer l’harmonie du groupe social, en répartir les biens et faire respecter la justice. Il n’est que l’agent exécuteur d’une collectivité représentée par la reine. Mais pourquoi serait-il le seul à agir ? Chacun doit avoir sa place dans une société organisée. Le roi a la sienne. Mais le roi, il faut le répéter, n’est rien sans ceux qui agissent en son nom, en réalité au nom de celle qui incarne la souveraineté. Dans les récits épiques de la légende arthurienne, il arrive fréquemment que le vainqueur d’un combat singulier, fasse grâce à son adversaire sous condition qu’il aille se constituer prisonnier auprès de la reine Guenièvre, et non du roi. C’est reconnaître la puissance de la « putain royale ».
Dans le surprenant récit de L’Ivresse des Ulates , alors que la bataille fait rage entre les hommes d’Ulster et ceux de Connaught, du fait même de la volonté affichée de Maeve, on voit le roi Ailill, complètement désemparé, se tenir à l’écart de ce combat qu’il désapprouve
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