Amours Celtes sexe et magie
bisexuelles, réservant leurs conseils, leurs prédictions et leurs pouvoirs à ceux qui, venant les consulter, se révélaient dignes de connaître le message primordial, celui que les divinités, quelles qu’elles fussent, avaient dispensé à l’humanité. Dieu serait-il femme et les communautés de femmes, homosexuelles parce que se passant d’hommes considérés seulement comme des agents exécuteurs, seraient-elles les bonnes fées des contes populaires qui dispensent au genre humain les bribes d’un savoir depuis longtemps perdu par les sociétés de type patriarcal ?
Cette question n’a pas de réponse, mais elle est fondamentale.
ÉPILOGUE
Et la tendresse… ?
Dans le domaine celtique, le sexe est apparent, de façon brutale, non seulement dans les récits qui concernent les héros de l’ancien temps, mais dans la pierre. Certes, les peuples celtes n’ont guère pratiqué l’art figuratif, préférant s’en tenir à des formes géométriques ou symboliques, mais au contact des Grecs et des Latins, ils ont commencé à représenter la nature dans leurs productions plastiques. Ainsi en est-il dans le midi de la Gaule où l’on peut voir, chez ces tribus qu’on appelle celto-ligures, des personnages fortement sexués, tel le fameux monstre androphage dit « Tarasque de Noves », conservé au musée Calvet d’Avignon. Mais ce sont des représentations mâles exprimant une incontestable agressivité, appartenant à une longue tradition datant des figurations de haches charrues sur les stèles des monuments mégalithiques. L’insistance y est mise sur la vigueur du phallus qui pénètre la femme comme il pénètre la terre pour la féconder. Il s’agit alors d’une sexualité primaire uniquement axée sur la reproduction, et l’érotisme proprement dit en est totalement absent.
Ce n’est que plus tard qu’apparaissent des figures féminines au sexe assez marqué, mais dont le sens paraît davantage dirigé vers le mystère que suscite la sexualité féminine. Et curieusement, c’est à l’extrême nord-ouest des territoires qu’ont occupés les Celtes que ce genre de représentation se manifeste le plus clairement et avec une impudeur autant remarquable que provocatrice, sur les murs d’une église ou d’un cimetière, comme s’il était un des liens permettant aux humains de pénétrer dans le monde de l’invisible. Ce sont des bas-reliefs dont l’unique sujet est une femme nue, souvent très fruste, parfois grotesque et hideuse, aux cuisses largement ouvertes, livrant ainsi au regard une vulve béante que la femme écarte d’ailleurs un peu plus avec ses mains. On appelle ces représentations d’un terme gaélique intraduisible Sheela-na-Gig , et l’on n’en trouve que dans un périmètre limité à l’Irlande et à la partie occidentale de la Grande-Bretagne. Tout au plus pourrait-on les comparer à certaines figurations, faussement nommées sirènes, sur les chapiteaux des églises romanes d’Auvergne, où la femme écarte à l’extrême ses jambes, mais sans que son sexe soit apparent.
On ignore la date à partir de laquelle ces figurations ont été élaborées, car leur présence sur les murs d’édifices sacrés chrétiens ne veut rien dire : il s’agit souvent d’un réemploi de pierres d’un ancien sanctuaire païen, comme cela s’est pratiqué un peu partout au cours du Moyen Âge. Mais pourquoi a-t-on récupéré ces bas-reliefs et les a-t-on mis en évidence dans le cadre de la nouvelle religion ? Ce n’est certainement pas par hasard, et l’interprétation chrétienne habituelle qui en fait l’expression de l’ignominie de la luxure, considérée comme monstrueuse, ne suffit pas à apporter de réponse à cette question. L’explication est trop simpliste, trop primaire. Il doit y avoir autre chose.
Et cela touche au plus profond de la psychologie humaine. Dans toutes les civilisations, et quels que soient les interdits ou les permissivités concernant le sexe, la femme fait peur aux hommes. Il y a, de leur part, une terrible répulsion en même temps qu’une attirance insurmontable, et la Sheela-na-Gig en est l’expression la plus directe. Selon l’Ecclésiaste , « l’iniquité de l’homme vient de la femme et l’iniquité de la femme vient d’elle-même ». Les Pères de l’Église, saint Jérôme étant mis à part, seraient alors les types parfaits de ce qu’on appelle aujourd’hui des « obsédés sexuels »,
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