Amours Celtes sexe et magie
serait tenté de le croire, mais les rapports qu’elles entretiennent avec Cûchulainn prouvent qu’en réalité elles sont bisexuelles, car elles n’hésitent pas, que ce soient Scatach, Utach et Aifé, à « envoûter » le jeune héros pour lui transmettre leur savoir, alors qu’elles vivent dans un environnement typiquement féminin.
Ces femmes guerrières – et magiciennes – sont-elles équivalentes aux célèbres Amazones décrites par Hérodote, qui, vivant en collectivité féminine, et probablement homosexuelle, s’accouplaient une fois l’an avec des hommes pour assurer leur descendance ? On serait tenté de le croire, d’autant plus qu’elles paraissent de même nature que les « Vierges » de l’île de Sein signalées par Pomponius Mela et que les « bacchantes » d’une île située dans l’estuaire de la Loire selon les dires de Strabon, qui s’appuyait sur le témoignage du navigateur grec Posidonios. Si l’on fait la part de la réalité historique et celle de la fiction mythologique, on est bien obligé de constater que tout cela relève d’une même croyance : l’existence, au large du monde, c’est-à-dire quelque part dans l’Atlantique, pays du soleil couchant, d’une île paradisiaque où règne une mystérieuse femme dotée de tous les pouvoirs humains et divins, ce pays idéal où l’on ne connaît ni la mort, ni la tristesse, ni la maladie, et où les arbres donnent des fruits toute l’année.
On ne peut alors que se référer au mythe de l’île d’Avalon, sur laquelle règne Morgane et ses « neuf sœurs ». Tout au long des aventures auxquelles sont mêlés les chevaliers de la Table ronde, Morgane apparaît souvent comme une « empêcheuse de tourner en rond » et on en fait un personnage plutôt maléfique. Mais elle est rarement seule : elle est toujours accompagnée de « dames » qui sont autant ses suivantes que ses complices, et l’on s’aperçoit qu’elle est en fait le pivot d’une société de femmes. Comment ne pas y discerner une composante homosexuelle ? Bien sûr, cela n’est pas dit, mais c’est suffisamment suggéré pour qu’on ne prenne pas cette hypothèse comme entièrement gratuite. Ainsi s’expliquerait la présence de ces « neuf sœurs », capables de déchaîner ou de calmer les tempêtes, et surtout susceptibles de se métamorphoser en oiseaux.
Mais s’en tenir à l’aspect négatif ou nocturne de Morgane, c’est oublier qu’elle est aussi la toute-puissante reine d’Avalon où elle emmènera son frère Arthur mortellement blessé pour le maintenir en dormition . Elle joue alors le rôle d’une déesse mère. Elle est donc vierge au sens exact du terme puisqu’elle est disponible et ne dépend d’aucun homme. Femme solaire, elle rayonne autour d’elle, et ses sœurs – ou ses suivantes – sont en quelque sorte des planètes qui tournent autour d’elle et auxquelles elle infuse la vie. Or, cette vie, elle se transmet aussi par le sexe, d’où cette supposition que Morgane et ses « sœurs » constituent une sorte de communauté homosexuelle détentrice de certains secrets inaccessibles aux hommes, sauf à ceux qui leur font confiance et viennent recueillir sa lumière.
L’île d’Avalon, Ynis Avallach en gallois, Émain Ablach en gaélique, est l’île des Pommiers, ceux-ci produisant des fruits à chaque époque de l’année. Mais quels sont ces fruits ? Il y a une ambiguïté dans cette terminologie, notamment en langue française, car le mot pomme provient du latin pomum qui signifie « fruit » en général. La pomme, en tant que fruit spécifique, se dit malum en latin, ce qu’on retrouve dans l’anglais apple , dans l’allemand apfel et dans le gallois et breton armoricain afal ou aval . Et l’on remarquera que le mot latin malum désigne à la fois le fruit du pommier et le « mal ».
On dit souvent que partager une pomme avec quelqu’un « porte malheur ». C’est une allusion à Adam et Ève qui, sur l’instigation du Serpent, mangent le « fruit défendu » de l’Arbre de la Connaissance. Mais, à l’analyse, le fait de se partager la pomme ne serait-il pas le symbole de l’acte d’amour pendant lequel s’effectue le mystérieux et réciproque transfert d’énergie de type alchimique entre deux êtres qui caractérise l’union sexuelle, qu’elle soit hétérosexuelle ou homosexuelle ? La pomme serait donc aussi bien le « bien » que le
Weitere Kostenlose Bücher