Amours Celtes sexe et magie
l’intérieur d’un tertre , le fameux sidh des Tuatha Dé Danann, on découvre un univers tout à fait analogue à celui de l’extérieur, mais encore plus beau et plus lumineux. D’où l’attraction exercée sur l’imaginaire masculin, qui espère y rencontrer des femmes toutes plus belles les unes que les autres et parvenir grâce à elles à cet état de béatitude inconsciente qui caractérise l’acte sexuel.
Mais il faut avoir l’audace et le courage de pénétrer dans cet univers inconnu. Or l’entrée est pénible, dangereuse, parfois sanglante, de toute façon effrayante. D’innombrables légendes font état d’une terreur fantasmatique bien connue, celle de la vagina dentata . Il est périlleux d’entrer dans une grotte pour la première fois, on ne sait pas ce qui peut arriver : on peut recevoir un rocher sur la tête, on peut glisser, tomber dans un trou, se casser un membre, surtout le membre le plus précieux, celui qui constitue sa raison d’être un « homme ». Et le sexe béant de la Sheela-na-Gig est l’équivalent de l’entrée de la grotte ou du tertre mégalithique. On est tenté d’y pénétrer, mais c’est toujours à ses risques et périls. En Inde, de nombreux contes parlent de femmes dont le vagin est rempli de dents qui coupent le pénis de l’homme. Et dans le fabuleux royaume du prêtre Jean, si célèbre au Moyen Âge, ce sont des serpents qui se terrent dans le vagin, prêts à mordre ou à dévorer celui qui tente de s’y introduire.
Ailleurs, ce sont des bêtes sauvages qui gardent l’entrée de la grotte et qui ne sont là que pour dévorer les amoureux en puissance. L’ addanc que combat Peredur et qu’il réussit à vaincre grâce à l’anneau magique donné par l’Impératrice, est de cette nature-là. Les sorcières, elles-mêmes, d’après les minutes des procès intentés contre elles au Moyen Âge, avaient la réputation de faire subir des mutilations au membre viril lors d’une copulation. C’est dire que l’image de la Sheela-na-Gig traduit parfaitement l’angoisse que peut ressentir un homme au-dessus du gouffre qui s’offre à lui de cette façon si impudique, et pourtant si tentante.
Et quand ce ne sont pas des animaux sauvages ou fantastiques qui résident dans cet antre, ce sont des phénomènes incompréhensibles mais toujours terrifiants. Un récit latin anonyme du XVI e siècle raconte comment le roi Arthur, qui s’employait à détruire les nombreuses superstitions qui persistaient en Irlande, arriva un jour à l’entrée d’une caverne qui conduisait au séjour des morts, et d’où, après s’être purifiées, les âmes s’envolaient joyeuses vers le ciel. Et Gauvain d’empêcher Arthur d’explorer à fond cette caverne où l’on entendait le fracas d’une cascade répandant une abominable odeur sulfureuse (139) . Quant au fameux « purgatoire de saint Patrice » localisé dans une île d’Ulster, toujours présent dans la mémoire irlandaise, toujours l’objet d’un culte actuellement, et décrit dans des textes du Moyen Âge comme un lieu ténébreux d’où surgissent des fumées nauséabondes, il est devenu, dans le cadre du christianisme, l’image d’un lieu de souffrances temporaires pour les âmes de ceux qui sont morts en état de péché. Mais un certain chevalier du nom d’Owen réussit à y pénétrer et à être témoin des tourments infligés aux pécheurs. Il en sort lui-même purifié par l’épreuve et finit sa vie dévotement (140) .
Le « purgatoire de saint Patrice » est évidemment un lieu infernal : c’est la caverne maudite – et interdite – où ne pénètrent que les réprouvés. Mais, paradoxalement, comme le disait un critique à propos de Baudelaire, c’est par « l’enfer du plaisir que l’on atteint parfois Dieu ». Le chevalier Owen se purifie en somme dans les entrailles de la terre, c’est-à-dire dans les entrailles de la Sheela-na-Gig (141) . Le tout est de savoir si on se sent capable d’en sortir ou si l’on est condamné à s’y engloutir pour l’éternité.
Une légende hagiographique de Bretagne armoricaine, celle de saint Efflam, illustre parfaitement cette « valse hésitation » devant l’entrée de la grotte. Le jeune Efflam, fils du roi d’Irlande, ne consomme pas son mariage avec la princesse Énora. Au cours de sa nuit de noces, il s’enfuit et débarque en Armorique. À peine a-t-il mis le pied à terre qu’il aperçoit un monstrueux
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