Amours Celtes sexe et magie
« mal », c’est-à-dire l’intégralité de l’être. Faut-il donc en revenir au mythe de l’androgyne tel qu’il a été évoqué et expliqué par Platon ?
L’historien latin Tacite qui, parlant des peuples du nord de l’Europe a tendance à mélanger ceux qui sont d’origine germanique et ceux qui sont incontestablement celtiques, citent le nom des Naharvales, lesquels possèdent un bois consacré à des rituels assez obscurs. Il affirme qu’on y honore un couple divin, en lequel il reconnaît Castor et Pollux. En tous cas, il précise que le prêtre chargé de ce culte porte des vêtements féminins ( Germania , XLIII). L’identification de ce couple divin avec Castor et Pollux est donnée par Tacite avec toutes les réserves d’usage, mais à la réflexion, il semble qu’il s’agisse d’un couple homme-femme plutôt que d’un couple de frères jumeaux, ce qui serait l’indice d’une société déjà fortement androcratique. D’ailleurs, le fait que le prêtre soit revêtu d’habits féminins est assez significatif : le prêtre s’identifie à la déesse de la même façon que les fameux galloi , les prêtres de Cybèle qui, eux aussi, portaient des vêtements de femme et qui, en plus, étaient émasculés, de la même façon que les prêtres eunuques qu’on trouvait à Uruk, chez les Hittites, à Éphèse, à Chypre et en Lydie, sans parler des chamanes de toute l’Europe ancienne et de toute l’Asie actuelle.
On s’est beaucoup mépris sur ce travestissement en en faisant une composante homosexuelle. Le rituel de ces religions à mystères aurait comporté un certain nombre d’actes relevant directement ou indirectement des pratiques homosexuelles. Il faut dire que les homosexuels, hommes ou femmes, étaient considérés comme des êtres intermédiaires, tout comme les fous et les gens ivres, et donc susceptibles de participer à la fois au monde visible et au monde invisible. Cette explication n’est peut-être pas satisfaisante. Ne serait-il pas plus logique de prétendre que ce travestissement serait dû au désir inconscient de restituer un couple primordial intégralement féminin ?
Les poètes et les artistes le traduisent dans leurs œuvres, les autres dans leurs comportements en apparence inexplicables ou tout simplement aberrants, comme c’est le cas pour l’imitation physiologique et le fétichisme du vêtement. « L’approche la plus serrée de la féminité chez l’homme relève du Carnaval. Ce sont les travestis qui ont subi ce qu’ils appellent la grande opération (castration suivie de la création d’un simili vagin). Ceci nous rapproche de la deuxième origine de la crainte de la castration découverte par Freud : les désirs féminins entraîneraient chez l’homme le désir d’être châtré (136) . »
Ainsi s’expliquerait la fascination des héros irlandais pour ces femmes guerrières qui constituent certainement des communautés lesbiennes , ou tout au moins bisexuelles. En fait, cette attirance qu’ont certains hommes pour le travestissement féminin soulève quelque peu « le voile de l’épais mystère que représente pour les hommes la féminité. Le travesti ne correspond-il pas à l’interprétation erronée que fait un frère lorsqu’il constate l’absence de pénis chez la petite fille (137) ? » Le problème est là : il ne s’agit pas de revenir à la conception freudienne de la femme qui se sent frustrée parce qu’elle n’a pas de pénis, et qui manifeste son envie du pénis par différentes attitudes masculines , il s’agit des approches de la féminité, celle-ci étant tout aussi mystérieuse pour la fille que pour le garçon, cela en dépit des apparences.
Dans cette perspective, le mythe d’Avalon ne peut être qu’une réminiscence du paradis terrestre tel qu’il est décrit dans la Genèse, avant la grande séparation que constitue la création d’Ève de la côte d’Adam. Mais qui règnent dans cet Éden sinon le Créateur lui-même et son antagoniste, l’ Ennemi , celui qui se dit l’esprit de négation ? Dans les îles bienheureuses, Avalon ou Émain Ablach, ou encore le « Pays de l’éternelle jeunesse », ce sont des femmes qui régissent tout. On est alors tenté de supposer qu’à l’origine, les sociétés humaines étaient bâties autour des femmes, et que celles-ci, défendant âprement leurs privilèges, étaient organisées en communautés homosexuelles, ou plutôt
Weitere Kostenlose Bücher