Amy, ma fille

chanter, et aussi Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Billie Holiday, Dinah Washington et Tony Bennett. Mais je n’ai jamais entendu une interprétation pareille. C’était, et c’est toujours, une version magnifique.
    Il est indéniable que le NYJO et les performances d’Amy l’ont poussée à se dépasser, mais c’est son meilleur ami, Tyler James, qui a vraiment donné un coup de pouce à sa carrière. Amy et Tyler se sont rencontrés à l’école de Sylvia Young et ils sont restés amis jusqu’à la fin. Elle était plus jeune et ils ne fréquentaient donc pas la même classe pendant les cours « traditionnels ». Mais pendant les cours de danse et de chant, ils étaient ensemble parce qu’Amy avait été placée dans la classe supérieure ; ils répétaient et passaient les auditions ensemble. Ils ont fait connaissance grâce à leur prof de chant, Ray Lamb, qui avait demandé à quatre élèves de chanter « Joyeux anniversaire » pour un enregistrement destiné à sa grand-mère. Quand il a entendu cette fille chanter « comme une reine de jazz », Tyler n’en est pas revenu. Lui-même n’avait pas encore mué, si bien qu’il chantait comme Michael Jackson jeune. Il a vite cerné le personnage d’Amy quand il a vu son anneau dans le nez et entendu qu’elle se l’était percé toute seule en utilisant un glaçon pour atténuer la douleur.
    Ils sont devenus encore plus proches quand Amy a quitté l’école de Sylvia Young. Tyler la voyait souvent, avec ses copines, Juliette et les autres. Ils discutaient beaucoup des petits coups de déprime propres aux adolescents. Ils se téléphonaient tous les vendredis soirs et Amy terminait systématiquement la conversation par une chanson, ou alors c’était Tyler qui chantait. Ils étaient extrêmement proches mais ne sortaient pas ensemble ; ils s’entendaient comme frère et sœur. C’est l’un des rares garçons à avoir été convié aux dîners du vendredi chez ma mère.
    Après avoir quitté Sylvia Young, Tyler est devenu chanteur de soul et tandis qu’Amy travaillait avec le NYJO, il se produisait dans les pubs, les clubs et les bars. Il avait commencé à collaborer avec un certain Nick Shymansky, qui travaillait pour une agence de management appelée Brilliant. Tyler avait été le premier artiste de Nick et il ne lui a pas fallu beaucoup de temps pour convaincre Amy d’enregistrer une démo pour Nick. Amy lui a donné une cassette sur laquelle elle reprenait des standards de jazz accompagnée par l’orchestre. Impressionné, il lui a conseillé d’enregistrer quelques morceaux supplémentaires avant d’envoyer la démo à Nick.
    De son côté, cela faisait des mois que Tyler parlait d’Amy à Nick. Mais celui-ci, un peu plus âgé qu’eux et habitué à entendre des dithyrambes sur tous les chanteurs, ne s’attendait à rien d’exceptionnel. Autant dire qu’il a été surpris !
    Amy lui a envoyé sa démo dans une pochette recouverte d’autocollants en forme de cœurs et d’étoiles. Au départ, il a cru qu’elle avait enregistré sur cette cassette le disque de quelqu’un d’autre, parce que sa voix ne ressemblait pas à celle d’une fille de seize ans. Mais les arrangements étaient tellement inexistants qu’il a vite compris que c’était impossible. (Elle avait enregistré la démo à l’aide de son prof de musique dans les locaux de Sylvia Young.) Après avoir demandé son numéro à Tyler, Nick a appelé Amy, qui ne s’est pas montrée le moins du monde impressionnée. Au bout de plusieurs coups de fil, elle a accepté de le rencontrer dans un pub de Hanger Lane où elle devait répéter.
    Nick est arrivé à neuf heures du matin ce dimanche-là (ce qui prouve qu’Amy était capable de se lever tôt quand elle le voulait, même si à cette époque elle avait un petit boulot le week-end, qui consistait à vendre des vêtements gothiques sur un stand du marché de Camden). En s’approchant du pub, il a entendu les sons d’un big band, ce qui était peu commun pour un dimanche matin. En franchissant la porte, ce qu’il a vu l’a abasourdi : un groupe d’hommes de soixante à soixante-dix ans accompagnait une chanteuse d’environ seize ou dix-sept ans à la voix extraordinaire. Nick s’est tout de suite bien entendu avec Amy. Elle fumait des Marlboro alors que la plupart des jeunes de son âge en étaient aux « light », ce qui démontrait à ses yeux qu’elle allait toujours plus loin que les