Amy, ma fille

autres.
    Un peu plus tard, alors qu’ils discutaient sur le parking du pub, une voiture a manoeuvré et Amy a hurlé, en prétendant qu’elle lui avait écrasé le pied. Inquiet, Nick l’a examinée. En réalité, Amy allait très bien ; elle a joué cette petite comédie juste pour voir sa réaction. Comme quand elle faisait semblant de s’étrangler, petite. De ce point de vue, elle est toujours restée gamine. Je ne sais pas pourquoi elle voulait le mettre à l’épreuve de cette façon, mais le fait est qu’après ça, ils sont devenus inséparables jusqu’à sa mort.
    Nick a présenté Amy à son patron chez Brilliant !, un dénommé Nick Godwyn, qui voulait lui proposer un contrat. Nick Godwyn a invité Janis, Amy et moi à dîner. Amy portait un bonnet à pompon et un treillis et ses cheveux étaient nattés. Elle semblait parfaitement à l’aise, mais moi, je ne pouvais pas tenir en place.
    Nick nous a confié qu’il admirait son talent de chanteuse et de parolière. Je savais qu’elle chantait très bien, mais l’entendre de la bouche d’un professionnel de l’industrie du disque, c’était super. Je savais aussi qu’elle composait des chansons mais comme je n’en avais jamais entendu une seule, j’ignorais si elles étaient bonnes ou pas. Après le repas, en raccompagnant Janis et Amy chez elles, j’ai repensé à ce qui s’était passé durant la soirée et j’ai dit à Amy :
    — J’aimerais bien écouter une de tes chansons.
    Je crois qu’elle ne faisait pas vraiment attention à ce que je disais à ce moment-là, mais elle a répondu :
    — Ok, papa.
    Évidemment, j’ai attendu longtemps avant d’en entendre une.
    Comme Amy n’avait que dix-sept ans, elle n’était pas légalement autorisée à signer un contrat. Janis et moi avons donc accepté de signer et, avec Amy, de créer une société pour la représenter. Amy détenait l’intégralité des parts de cette société, mais elle nous a tout naturellement demandé de nous impliquer dans sa carrière. C’était le genre de choses que nous avions toujours fait en famille : quand j’avais ouvert mon entreprise spécialisée dans le double vitrage, mon beau-père avait travaillé pour moi, il parcourait la ville de long en large pour récolter les formulaires des clients. À sa mort, c’est ma mère qui a pris le relais.
    À cette époque, Amy avait un travail. Elle apprenait à rédiger des articles sur le spectacle dans une agence en ligne baptisée WENN (World Entertainment News Network). C’était Juliette qui lui avait décroché cette place, grâce à son père, Jonathan Ashby, le fondateur et l’un des propriétaires de l’agence. C’est là qu’Amy a rencontré Chris Taylor, qui y travaillait comme journaliste. Dès que Chris et Amy ont commencé à se fréquenter, ils sont devenus inséparables et Amy a changé ; elle débordait d’enthousiasme et était de toute évidence très heureuse. Mais on voyait immédiatement qui portait la culotte : elle. C’est sans doute pour cela que ça n’a pas marché entre eux. Amy aimait les fortes personnalités et Chris avait beau être adorable, il n’entrait pas dans cette catégorie.
    Tous les ans, les cartes d’anniversaire d’Amy me faisaient rire.
    « Mon cher papa,
    Que ta journée soit belle pour ton anniversaire.
    Je t’aime trèèès fort. Merci de m’avoir transmis ton sens du style parce que si j’étais comme maman, je ressemblerais à Alex. Ne leur dit pas que j’ai dit ça. Amy. »
    Cette relation a duré environ neuf mois. C’était son premier petit ami sérieux et Amy s’est sentie très malheureuse quand ils se sont séparés. Mais elle a puisé dans cette douleur une certaine créativité qui allait jeter les bases de son premier album, Frank .
    *
    Malgré l’enthousiasme provoqué par ce premier contrat, la réalité du show-biz n’a pas tardé à frapper Amy de plein fouet. Quelques mois plus tard, Brilliant ! a mis la clé sous la porte. Heureusement pour Amy, Simon Fuller, directeur de 19 Management, qui s’occupait entre autres des Spice Girls, a racheté une part de la société et a gardé Nick Shymansky et Nick Godwyn.
    Une fois de plus, c’est Janis et moi qui avons dû signer ce nouveau contrat. À ma grande surprise, 19 Management s’engageait à rémunérer Amy deux cent cinquante livres par semaine. Bien entendu, cette somme constituait une avance sur les recettes à venir, mais cela signifiait qu’elle pouvait