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André Breton, quelques aspects de l’écrivain

André Breton, quelques aspects de l’écrivain

Titel: André Breton, quelques aspects de l’écrivain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Julien Gracq
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s'infléchir tout entier à la plus mince sollicitation — à ricocher et à rebondir indéfiniment sur une image dont le plan de tangence se révèle favorable...
     
    «Parce qu'on savait que Max Ernst est le cerveau le plus magnifiquement hanté qui soit aujourd'hui, je veux dire celui qui en est le moins à une petite inquiétude près, celui qui sait qu'il ne suffit pas d'abandonner au cours du monde un nouveau bateau, quand ce serait même un bateau pirate, mais de reconstruire l' arche, et cela de manière que cette fois ce ne soit pas la colombe qui revienne, mais le corbeau» (Point du jour).  
     
    ...ou plus légèrement encore, sur les seuls mots comme dans ces deux phrases consécutives de Nadja :  
     
    «...la psychanalyse, méthode que j'estime et dont je pense qu'elle ne vise à rien moins qu'à expulser l'homme de lui-même, et dont j'attends d'autres exploits que des exploits d'huissier.
    «Je m'assure d'ailleurs qu'elle n'est pas en état de s'attaquer à de tels phénomènes, comme, en dépit de ses grands mérites, c'est déjà lui faire trop d'honneur que d'admettre qu'elle épuise le problème du rêve ou qu'elle n'occasionne pas simplement de nouveaux manquements d'actes à partir de son explication des actes manques.»
     
    ...ou celle-ci, de la préface à La Femme 100 têtes :  
     
    «La splendide illustration des ouvrages populaires et des livres d'enfance : Rocambole et Costal l'Indien, dédiée à ceux qui savent à peine lire, serait une des seules choses capables de toucher aux larmes ceux qui peuvent dire qu'ils ont tout lu.»
     
    L'extraordinaire richesse des incidentes, si caractéristique de son style, a pour fonction essentielle de laisser à la phrase toute la disponibilité dont elle est capable, toute sa souplesse à capter tout entière le moindre coup de vent qui vient soudain à la traverse. Une énorme hernie défigurera ainsi, au scandale des puristes, telle phrase de Point du jour.  
     
    « En dehors de ce premier conflit dont la répercussion à l'heure actuelle est encore considérable, auquel n'a pas positivement mis fin sur le plan de la création artistique non plus par suite que sur celui de la connaissance la faillite de l'idéalisme subjectif, puis objectif, comme philosophie, ou, si l'on préfère sa résorption dans le matérialisme dialectique, l'œuvre d'Achim d'Arnim résonne encore, quoique plus faiblement, du heurt des idées de son époque en ce qui concerne la solution à donner au problème de l'État, le choix de l'organisme à faire prévaloir socialement.»
     
    Un principe de balistique veut que le ricochet ait d'autant plus de chance de se produire que l'angle d'incidence sur le plan d'impact est moins ouvert. Breton ne cherche jamais rien tant — bien plutôt qu'à frapper son objectif en plein — qu'à n'amortir que le moins possible l'élan de sa phrase, à lui ménager des rebondissements indéfinis 2 . De là chez lui la préoccupation constante (souvent mal comprise et fort mal prise) du tour indirect ; l'exigence vitale d'une certaine manière oblique d'aborder ce qui se présente au courant de sa phrase. Pour tout dire, la périphrase si décriée n'est pas chez lui un vain «tour poétique», mais une manière de se diriger, de louvoyer de façon à laisser jouer au maximum autour d'un mot ou d'une idée (au lieu de les atteindre, ce qui n'est pas toujours la meilleure manière de «faire mouche» en poésie) les possibilités qu'ils renferment d'entraîner une ébauche de gravitation. Par ses freinages, ses accélérations inexplicables, la phrase de Breton renvoie souvent, de façon plus suggestive que si elle les désignait, au passage d'astres ou d'astéroïdes malaisément accessibles à l'observation directe. Voici, à la file, deux de ces phrases infléchies par on ne sait trop quelle gravitation sensible :  
     
    «Je serai d'ailleurs le dernier à en médire, songeant que c'est à une des plus grandes défaites humaines qu'elle ait consommées que nous devons la publication en 1822 de la dernière nouvelle de ce livre, qui nous permet de situer concrètement, par opposition à la conception réaliste des choses, un des pôles de l'écliptique mental. Dans la mesure où peut être tenue pour oracle la dernière pensée de Goethe, à savoir que l'Éternel féminin est en vérité la clef de voûte de l'édifice, on pourrait aujourd'hui encore épiloguer longuement sur le fait que cet oracle, contradictoirement dans la vie

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