Apocalypse
Napoléon venait de créer. Sa tâche était immense : rassembler des milliers d’œuvres d’art éparpillées dans tout l’Empire pour enrichir le Louvre. Denon, quoique fort occupé, accueillit mon grand-père en toute fraternité et lui prêta son concours désintéressé. C’est ainsi que feu le marquis put mettre la main sur le dossier Poussin, conservé dans les archives secrètes de Versailles.
« C’est là qu’il trouva la première clé de l’énigme et qu’il comprit combien le tableau de Poussin n’était qu’une sorte de contre-feu destiné à égarer d’éventuels curieux qui auraient voulu s’emparer du secret. Commandés par Mazarin, sous le couvert d’un autre cardinal italien, Les Bergers d’Arcadie devinrent la possession exclusive de Louis XIV dès 1685 et furent exposés dans ses appartements privés. Le leurre était en place pour fonctionner durant des siècles.
« Restaient le dessin et le lieu où il avait été caché. La quête fut longue, et mon père la mena pendant des années. Finalement, il trouva une piste. Fouillant les archives ecclésiastiques, il s’aperçut que, dans les dernières années de pouvoir de Mazarin, le Razès, une région, pourtant perdue et fort déshéritée, avait attiré l’intérêt et la visite de bien des ecclésiastiques de renom et de grands du Royaume : des proches de saint Vincent de Paul, des membres de la famille Fouquet, jusqu’aux Condé, les plus proches parents du roi. Comme si là se dissimulait un centre magnétique.
Mon père remonta le fil pourtant bien embrouillé. Il suivit pas à pas la trace de ces personnages et bientôt un espace se dessina. Une sorte de triangle partant d’Alet jusqu’à Arques et dont Rennes-le-Château était le sommet mystique.
« Je fus celui qui trouva le dernier maillon : il me mena jusqu’à l’église de ce village. La date sur le pilier du porche de gauche m’a bien aidé. Elle m’a permis enfin de “réunir ce qui est épars” , comme on dit en loge .
« Désormais, il me faut un bras dévoué et une conscience que rien n’effraye. Je guiderai le bras et j’achèterai la conscience.
« Je viens de rentrer en mon palais de Narbonne après m’être confessé à M gr Billard. Il me laissera les mains libres. Dans quelques jours, je me rendrai à Rennes-le-Château, j’irai voir ce curé qui croupit dans sa misère, je lui ferai miroiter l’or de ma générosité…»
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Grotte de la Villa Nigla
24 juin 2009
Un squelette vêtu de lambeaux de toile grise gisait dans le sarcophage de pierre.
— Marie Madeleine ! s’exclama Tristan. Enfin ! La pécheresse, la catin. La meurtrière de notre maître Judas.
Antoine et Cécile contemplèrent la dépouille de celle qui avait connu le Christ.
— C’est incroyable, murmura la jeune femme. Elle est donc vraiment venue passer ses derniers jours en Gaule.
— Où est le livre de L’Apocalypse ? dit Kyria en sortant du groupe, nullement émue par la dépouille de la sainte.
Les doigts du squelette tenaient un coffret de bois noirci par le temps. Les lumières s’éteignirent à nouveau puis se rallumèrent. Le tueur saisit le coffret, souleva le couvercle et sa bouche s’ouvrit de stupéfaction.
Il n’y avait pas de livre.
Marcas se pencha à son tour. L’intérieur contenait une enveloppe. Tristan la déchira et en sortit une lettre qu’il déplia. La lumière qui jaillissait et disparaissait par saccades de plus en plus rapides provoqua un effet stroboscopique dans le sanctuaire.
Un cri terrible déchira l’intérieur de l’église. Kyria avait lâché son arme et se tenait la tête. Tristan tourna son regard vers elle. Ce qu’il avait craint en voyant les ampoules s’allumer et s’éteindre allait se produire : une crise d’épilepsie. Il ne pouvait pas s’occuper d’elle maintenant. La lettre. Il fallait qu’il lise la lettre !
— Kyria, reprends-toi, je t’en prie.
La jeune femme se roulait à terre prise de convulsions. Antoine décida d’agir : il sortit le couteau du marquis, le déplia et frappa Tristan de toutes ses forces. Ce dernier lâcha la lettre. Antoine asséna un autre coup, lui perçant le bas-ventre. Le tueur s’écroula sur le rebord du tombeau, sous le regard impassible de Bérenger Saunière.
— Cécile, le revolver de la fille, vite !
La jeune femme ramassa l’arme qu’elle brandit en direction de Tristan. Le jeune homme se tenait le ventre. La
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