Au bord de la rivière T4 - Constant
sa chambre à l’étage avant le début de la prière en commun.
Ce soir-là, Duncan s’endormit aussitôt la tête posée sur son oreiller, épuisé par toutes les émotions vécues depuis son retour de l’école. Il était pleinement heureux. Il possédait maintenant Rex, même s’il allait devoir le partager avec les autres.
Au rez-de-chaussée, Liam jeta dans le poêle deux bûches, remonta le mécanisme de l’horloge murale et pénétra dans sa chambre à coucher où Camille venait de le précéder pour se préparer pour la nuit.
— Je suis grosse sans bon sens, déclara-t-elle à son mari en finissant de brosser ses cheveux dont elle venait de défaire le chignon. J’ai de la misère à entrer dans ma jaquette. Une chance que dans un mois…
— Inquiète-toi pas, il te reste plus grand temps à faire, fit Liam en retirant son pantalon, debout de l’autre côté du lit.
— Je te dis qu’à soir, t’as fait des heureux, fit-elle en changeant de sujet de conversation.
— Surtout Duncan, reconnut son mari.
— Tous les enfants, même Rose, précisa Camille en s’étendant dans le lit.
— Et toi, qu’est-ce que t’en penses ?
— Tu me connais. Quand les enfants sont heureux, je suis contente.
— Moi, j’espère juste pas avoir à regretter ce que je viens de faire, admit-il.
— Les enfants vont comprendre que t’as essayé de leur faire plaisir et c’est ce qui compte. Si le chien décide de partir, ce sera pas ta faute.
La lampe à huile fut soufflée et Liam sentit que le baiser que sa femme lui donna était encore plus rempli de tendresse que ceux qu’elle lui accordait chaque soir avant de s’endormir.
Le lendemain matin, Camille eut la surprise de découvrir Duncan déjà en train de se chausser dans une cuisine particulièrement froide et humide.
— Qu’est-ce que tu fais debout si de bonne heure ? lui demanda-t-elle.
— Je vais voir si Rex a mangé ce que je lui ai donné hier soir. En même temps, je l’emmènerai chercher les vaches.
Sa mère adoptive ne trouva rien à dire et s’approcha de l’une des deux fenêtres qui ouvraient sur la cour de la ferme. L’aube se levait à peine sur un triste paysage d’automne.
— On n’est pas encore à la mi-octobre qu’il reste presque plus de feuilles dans les arbres, dit-elle à mi-voix. Il a l’air de venter et on dirait qu’il va pleuvoir, ajouta-t-elle en frissonnant et en serrant plus étroitement contre elle les pans de son gros châle de laine.
De fait, un automne plutôt hâtif avait commencé à s’installer sur la région depuis le début de la semaine. Les champs étaient maintenant dénudés et la plupart des cultivateurs de Saint-Bernard-Abbé avaient fait plus de la moitié de leurs labours d’automne. Les mouettes criardes semblaient s’abattre en moins grand nombre derrière les laboureurs, comme si elles étaient déjà trop gavées de ce qu’elles trouvaient dans les sillons de la terre fraîchement retournée.
Par contre, depuis quelques jours, des vols d’outardes de plus en plus nombreux et tapageurs, en route vers le sud, venaient se poser chaque soir sur les eaux de la rivière, réveillant les instincts de chasseurs chez la plupart des fermiers. Il n’était pas question de dédaigner un tel apport de viande au moment où elle se faisait si rare. Il faudrait peut-être attendre encore un bon mois avant d’avoir un froid suffisant pour faire la boucherie annuelle.
— Ferme bien la porte en sortant, recommanda Camille à Duncan en train de boutonner son manteau. C’est le temps où les mulots cherchent à entrer se mettre au chaud et j’ai pas le goût d’avoir cette vermine-là dans la maison.
Duncan hocha la tête et sortit alors qu’elle se détournait enfin de la fenêtre pour allumer le poêle. Peu après, elle réveilla Liam et les autres enfants. Quand son mari pénétra dans la cuisine, elle lui tendit une tasse de thé avant qu’il sorte faire le train en compagnie de Patrick et d’Ann. Comme d’habitude, il prit le temps de le boire, planté devant une fenêtre.
Au moment où il s’apprêtait à se détourner de son poste d’observation, un vol de canards s’éleva bruyamment au-dessus des eaux grises de la Nicolet, chassé probablement par des tirs de fusil de chasseurs embusqués dans leur cache sur les rives.
— Où est passé Duncan ? demanda-t-il sans détourner la tête de la fenêtre.
— Il est sorti depuis un bon bout de temps
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