Au bord de la rivière T4 - Constant
gardait bien de dire quoi que ce soit. En passant devant la maison, Liam remarqua que sa femme avait fait allumer un fanal à la porte de côté, ce qui ne l’incita pas le moins du monde à arrêter. Il poursuivit son chemin jusqu’à l’écurie et ordonna à Duncan de descendre avec le chien. Il allait exiger qu’il l’aide à dételer Prince quand il vit accourir Patrick en compagnie des autres membres de sa famille.
— Vous avez ramené le chien ? s’étonna l’adolescent de douze ans en apercevant Rex collé contre la jambe droite de son jeune frère.
— Au lieu de poser des questions niaiseuses, répondit sèchement son père, dételle donc le cheval et entre-le dans l’écurie.
Fait étonnant, la petite Rose s’approcha sans crainte de Rex et lorsqu’elle tendit la main vers son museau, il la lécha en frétillant de la queue. Camille et Ann attendirent patiemment que le chef de la famille explique le retour plutôt inattendu de la bête. Liam finit par raconter sur un ton bourru les démarches faites jusque chez Sean White.
— Ça doit toujours leur paraître drôle que toi, un Irlandais, tu parles pas un mot d’anglais, lui fit remarquer sa femme.
— Avec le temps, ils vont ben tous finir par comprendre que je suis la troisième génération de Connolly au pays et que mon grand-père, mon père et même moi, on a vécu proche de Québec. Mes oncles, eux autres, parlaient anglais parce qu’ils restaient et faisaient des affaires à Montréal, pas moi.
— Et qu’est-ce qui t’a décidé à ramener le chien ? finit par lui demander sa femme au moment où Patrick, débarrassé de sa corvée, venait rejoindre les membres de sa famille toujours rassemblés près du boghei.
— Sean White est un vrai fou ! s’exclama Liam. Il est parti chercher son fusil. Il voulait tuer le chien devant le petit. Quand j’ai vu ça, j’ai dit à Duncan de remonter dans le boghei avec et j’ai décidé qu’on était pour le garder, s’il faisait l’affaire.
— Il s’appelle Rex, déclara Duncan en flattant la bonne grosse tête de l’animal qui ne s’était pas écarté une seule fois de lui.
— Ouais, fit son père en durcissant le ton, mais écoute-moi ben, mon garçon. Ce chien-là, c’est pas ton chien, c’est celui de toute la famille. Mais à partir d’à soir, c’est toi qui es responsable. T’as voulu l’avoir, tu vas t’en occuper, l’entretenir et le nourrir. S’il fait le moindre dégât, il va prendre le bord, aussi vrai que tu me vois.
— C’est promis, p’pa.
— Pour commencer, je veux jamais le voir dans la maison et même pas sur la galerie. Demain, Patrick va te donner un coup de main pour lui construire une niche que t’installeras près de la porte de la remise. Ce sera son coin. Tu l’attaches pas parce qu’un chien de garde attaché sert à rien. S’il en profite pour se sauver une seule fois, on le reprendra pas.
— C’est correct, intervint Patrick qui semblait presque aussi heureux de posséder un chien que son jeune frère.
— White a dit qu’il mangeait à peu près n’importe quoi, dit Liam à l’intention de sa femme en se mettant en marche vers la maison, suivi par tous les siens. Qu’est-ce que tu vas pouvoir lui donner pour le nourrir ?
— Il y a toujours des restes de table et je pourrai aussi lui servir des patates, on en a pour les fins et les fous, répondit-elle, pleine de bonne volonté.
— Bon, c’est correct, conclut son mari. Toi, viens chercher un peu à manger pour le chien, ajouta-t-il en s’adressant à Duncan et installe-le à côté de la porte de la remise pour à soir. Puis, arrête de le flatter. Rex est pas une bébelle, c’est un chien de garde.
Duncan suivit la famille dans la cuisine d’hiver où Paddy se berçait paisiblement comme un bienheureux. Camille envoya son fils chercher un vieux seau dans lequel elle versa un reste de pommes de terre et un morceau de lard racorni qu’elle tendit à son fils.
— Fais ça vite, lui commanda-t-elle, on t’attend pour la prière. T’as déjà dépassé l’heure d’aller te coucher.
L’adolescent ne demeura à l’extérieur que le temps de tendre la nourriture à son chien et, après une dernière caresse, s’empressa de rentrer pour venir s’agenouiller aux côtés des autres membres de sa famille. Il ne manquait que l’oncle de son père qui, comme chaque soir, prétextant préférer faire sa prière seul, s’était esquivé dans
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