Au bord de la rivière T4 - Constant

sa toilette, suggéra-t-il.
    À l’extérieur, une neige lourde et épaisse s’était mise à tomber doucement depuis le milieu de la nuit. Le jeune cultivateur attela le Blond à son berlot et prit la route.
    Il alla frapper d’abord à la porte des Connolly pour apprendre la nouvelle à sa sœur. Camille était en train de servir le déjeuner à son mari et à ses enfants.
    — Mon Dieu ! s’exclama-t-elle, bouleversée, je m’en doutais que c’était à la veille d’arriver. Pauvre m’man !
    — Pourquoi tu dis ça ? s’étonna Donat.
    — La dernière fois que le docteur Samson est venu la voir, il m’a dit que son cœur arrêtait pas de s’affaiblir et qu’elle avait pas l’air d’avoir assez de forces pour remonter la pente.
    — Pourquoi tu nous en as pas parlé ? lui reprocha-t-il pendant qu’elle endossait son manteau pour le suivre.
    — Oui, pourquoi ? intervint Liam qui s’était levé de table pour présenter ses condoléances à son beau-frère.
    — Ça aurait servi à rien d’inquiéter tout le monde, fit-elle, fataliste, après avoir chaussé ses bottes.
    — Vas-tu rester assez longtemps à la maison pour donner un coup de main ? poursuivit son frère. Bernadette est tout à l’envers et Eugénie sait pas trop quoi faire. Il reste juste Célina pour tout prendre en main.
    — Inquiète-toi pas pour ça, déclara-t-elle. Ann, tu t’occupes de la maison, ajouta-t-elle en se tournant vers l’adolescente.
    — À quoi je peux être utile ? demanda Liam.
    — Peut-être aller avertir mon oncle Armand à Sainte-Monique si tu penses être capable de passer sur le chemin. Si tu y vas, dis-lui donc de faire prévenir ma tante Mathilde.
    — Est-ce que c’est bien nécessaire ? s’enquit Camille, déjà prête à suivre son frère à la maison paternelle.
    — Tu la connais, elle comprendrait pas qu’on l’ait pas avertie.
    Sur ces mots, le frère et la sœur quittèrent la maison. Donat laissa Camille chez sa mère et poursuivit son chemin dans le rang Saint-Jean, malgré la giboulée qui semblait s’être intensifiée. Il passa le pont. Avant d’entreprendre la montée de la côte abrupte du rang Sainte-Ursule, il s’arrêta un instant chez Dionne pour lui apprendre que sa mère venait de mourir subitement. Il lui demanda d’écrire un mot qu’il irait fixer à la porte de l’école, en face, pour prévenir les enfants qu’ils n’auraient pas de classe avant le lundi suivant. Télesphore offrit ses condoléances et accepta de s’en charger.
    Donat remonta dans son berlot et poursuivit son chemin. Plus d’une fois, le Blond broncha dans la côte et le conducteur dut descendre de sa voiture pour faire avancer sa bête.
    Quand il frappa à la porte du presbytère, ce fut le curé Fleurant qui vint lui ouvrir. En quelques instants, le prêtre fut prêt à le suivre, chargé des saintes huiles. Il tendit au conducteur une clochette à agiter pour signifier à tous ceux qu’ils croiseraient en chemin qu’il allait porter les derniers sacrements à une personne mourante. Donat revint à la maison et accompagna le curé à l’intérieur où on le débarrassa de son lourd manteau avant de l’introduire dans la chambre de la défunte.
    Tout avait été rangé dans la pièce et deux cierges allumés avaient été déposés sur les tables de nuit. Félix Fleurant invita les personnes présentes à entrer et à s’agenouiller dans la chambre pour assister à l’administration des saintes huiles à la disparue. Il mit son étole et trempa le bout de ses doigts dans l’huile bénite pour tracer un petit signe de croix sur la bouche, les oreilles, le nez, les yeux et les mains de la défunte. Ensuite, il récita quelques prières à son chevet puis adressa des paroles de réconfort aux gens qui l’entouraient.
    Avant son départ de la maison, il fut entendu qu’il reviendrait prier le soir même pour le salut de celle qui venait de disparaître et qu’il célébrerait ses funérailles le vendredi matin, à neuf heures. Le pasteur de la paroisse quitta les lieux en souhaitant beaucoup de courage à tous.
    Après avoir reconduit le prêtre au presbytère, Donat se rendit avec difficulté chez Xavier à l’autre extrémité du rang Sainte-Ursule parce que la neige s’était intensifiée. Il arriva chez son frère au moment où ce dernier s’apprêtait à aller bûcher avec son homme engagé. En apprenant la nouvelle, il eut beaucoup de mal à contenir sa