Au bord de la rivière T4 - Constant
bouillant pendant qu’il signait le certificat de décès. Il offrit ses condoléances à toute la famille entassée dans la cuisine avant d’expliquer que le cœur de Marie avait lâché durant la nuit et qu’elle n’avait probablement pas souffert.
Après le départ du praticien, Donat et Rémi allèrent chercher le cercueil dans le salon et le transportèrent dans la chambre. Ils invitèrent les membres de la famille à quitter la pièce, le temps de déposer la défunte dans la bière. On déplaça ensuite celle-ci sur les tréteaux, dans le salon. Pendant que Camille allait chercher les cierges pour les déposer à la tête et aux pieds de la défunte, Célina prit sur elle de prendre un chapelet et de le nouer autour des mains de la disparue.
— On va réciter un chapelet pour m’man, déclara Camille en s’agenouillant près du cercueil.
Tous l’imitèrent. Après la prière, tous se relevèrent.
— Il va falloir penser à dîner, dit Eugénie en entendant Alexis rechigner dans la pièce voisine.
— J’ai mis à réchauffer un plein chaudron de fèves au lard, annonça Célina. Si vous le voulez, on peut ajouter un reste de jambon.
Camille, Catherine, Bernadette et Emma s’empressèrent de dresser le couvert et d’aider l’orpheline pendant qu’Eugénie, officieusement la nouvelle maîtresse de maison, se retirait à l’écart pour bercer Alexis.
Après le repas, les femmes décidèrent de cuisiner parce que les visiteurs, qui allaient probablement envahir la maison des Beauchemin dès le début de la soirée, auraient besoin de se sustenter avant de quitter les lieux. Comme elles étaient trop nombreuses pour travailler autour du même poêle, Catherine et Emma décidèrent de rentrer chez elles pour cuisiner et de revenir au début de la soirée. Hubert dut aller se charger de son fromage, mais Constant demeura avec Donat pour l’aider à préparer la cuisine d’été pour les visiteurs qui ne trouveraient pas place dans la cuisine d’hiver et dans le salon.
Très tôt ce soir-là, beaucoup de gens de Saint-Bernard-Abbé envahirent la maison des Beauchemin pour dire un dernier adieu à Marie. Le curé Fleurant tint parole et dirigea les prières jusqu’à dix heures. Il ne quitta la maison du rang Saint-Jean qu’après avoir fait amplement honneur à la tête fromagée de Camille et aux tartes de Catherine.
Laura Benoît, la mère de Catherine, avait tenu à venir prier au chevet de la défunte pour montrer sa sympathie à la famille éprouvée et aussi l’estime qu’elle portait à son gendre, qui la respectait contrairement à son fils Cyprien.
Dans la cuisine d’été enfumée par les pipes, on discutait autant de la période des sucres qui approchait que du nouveau gouvernement de Gédéon Ouimet. Évidemment, Paddy Connolly déclarait haut et fort que ce nouveau premier ministre ne parviendrait jamais à égaler Chauveau par manque d’expérience, surtout que le dernier recensement venait de révéler que la population de la province dépassait maintenant le million d’habitants.
Quand la maison se vida de tous ses visiteurs, on remit de l’ordre malgré l’épuisement après une si longue journée. Pour sa part, Eugénie déclara qu’elle n’en pouvait plus et disparut dans sa chambre, à l’étage, évitant ainsi une autre corvée. On organisa sans elle la veillée au corps.
— On devrait faire comme pour p’pa, suggéra Camille dont les yeux cernés trahissaient clairement la fatigue. On devrait veiller deux heures chacun avant d’aller dormir. Ça sert à rien de se jeter à terre, on a trois jours à durer et la besogne manquera pas.
Tous approuvèrent.
— Je suis prête à veiller jusqu’à deux heures, déclara Bernadette, aussi fatiguée que sa sœur aînée.
— Je vais rester avec toi, fit Constant qui n’avait quitté la maison des Beauchemin que le temps d’aller aider son homme engagé à soigner les animaux.
— Moi aussi, annonça Donat.
— Nous allons revenir vers deux heures, prévint Liam sans consulter sa femme.
Camille lui adressa un sourire de reconnaissance, se rappelant encore trop bien à quel point il l’avait mal appuyée lors du décès de son père.
— Je serai là à quatre heures, promit Hubert.
Les autres membres de la famille choisirent à tour de rôle des heures de veille avant de se retirer. Donat et Constant remplirent le coffre de bûches et vinrent s’installer près de Bernadette qui avait
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