Au bord de la rivière T4 - Constant

examinèrent chaque pièce avant de descendre et de sortir du presbytère.
    — Il y a pas à dire, déclara Donat, les hommes de Bélisle ont fait un bel ouvrage.
    — Si je me fie à ce que j’ai vu à matin, reprit Eudore Valiquette, les bâtiments en arrière sont d’aplomb et il y a rien à leur reprocher.
    Les membres du conseil pénétrèrent dans chacune des deux annexes pour vérifier que tout était conforme à ce qu’ils avaient demandé, avant de se retrouver à l’extérieur.
    — Bon, à cette heure qu’on a tout vu, on pourrait peut-être retourner à la sacristie discuter un peu, proposa le petit notaire dont la pomme d’Adam ne cessait de monter et de descendre.
    On suivit un Josaphat Désilets un peu boudeur dans la sacristie et on prit place autour de la grande table en pin placée sous une fenêtre. Le prêtre récita une courte prière avant d’inviter du geste ses marguilliers à s’asseoir.
    — La réunion était d’abord pour examiner le presbytère, déclara le notaire. C’est fait. Quels sont ceux qui sont satisfaits du travail des hommes de Bélisle ?
    Toutes les mains se levèrent, sauf celle du prêtre.
    — Qu’est-ce que vous reprochez à la besogne de ces hommes-là ? s’étonna le président.
    — C’est trop petit, comme je l’ai dit dès le commencement, fit le curé sur un ton rageur.
    — Petit ou pas, monsieur le curé, il va ben falloir que vous vous en contentiez, déclara abruptement l’homme de loi.
    Les marguilliers se regardèrent avec un certain étonnement. C’était la première fois qu’ils voyaient Eudore Valiquette sortir de son amabilité habituelle.
    — Monsieur le curé voudrait emménager dans son presbytère avant la fin de la semaine, poursuivit le président sur un ton plus aimable.
    — Impossible, déclara Donat avec conviction. Je pense que vous vous rendez pas compte, monsieur le curé, qu’on est en plein temps des foins. On travaille d’un soleil à l’autre.
    — On n’a pas le choix, poursuivit Samuel. Il faut rentrer le fourrage avant qu’il se mette à mouiller. Si on fait pas ça, nos bêtes auront rien à manger cet hiver.
    — Vous me ferez pas croire qu’il y a pas des hommes dans la paroisse prêts à venir donner une demi-journée d’ouvrage à leur curé, dit Josaphat Désilets, amer.
    — Peut-être, monsieur le curé, répondit le petit notaire, mais nous autres, on va vous laisser les trouver parce qu’on est trop occupés cette semaine.
    — Sans compter, monsieur le curé, que ce déménagement-là presse pas comme un coup de couteau, non ? intervint Donat, agacé par l’entêtement du prêtre. Vous allez pas nous dire que vous gelez trop dans la sacristie de ce temps-ci, ajouta-t-il sur un ton sarcastique.
    — Je pense, monsieur le curé, que ce serait plus raisonnable d’attendre la fin des foins pour vous installer, intervint Hyland.
    — On dirait bien que j’ai pas le choix. Tout mon conseil est contre moi, fit-il d’une voix amère.
    — Je pense qu’on peut dire que la réunion est finie, déclara Eudore Valiquette, prêt à se lever.
    — Un instant, notaire, fit le curé Désilets d’une voix coupante. Il y a encore certaines choses qu’il va falloir régler.
    — Lesquelles ? demanda Hormidas Meilleur.
    — D’abord, j’espère que vous avez pensé comment meubler le presbytère. C’est bien beau tout ça, mais j’ai pas de meubles à mettre là-dedans, ajouta le prêtre avec un petit sourire déplaisant.
    Un silence embarrassé tomba autour de la table et chacun se regarda. De toute évidence, on n’avait pas pensé à ce problème. Cependant, Eudore Valiquette fut le premier à reprendre la parole après avoir jeté un coup d’œil dans la grande pièce où se tenait la réunion.
    — À mon avis, monsieur le curé, ce sera pas un gros problème. On va déménager le poêle dans votre cuisine. La table et les chaises vont aller dans votre salle à manger. Votre lit et votre coffre peuvent être placés dans votre chambre.
    — Et, d’après ce que j’ai pu voir, il y a de la place en masse pour votre vaisselle et vos marmites dans les armoires, intervint Samuel Ellis.
    — Vous oubliez mon bureau, le salon et les trois autres chambres, fit remarquer le prêtre.
    — C’est vrai qu’on n’a pas de meubles à mettre là, convint Hyland.
    — Il faut reconnaître que ça va faire pas mal chenu de laisser ces pièces-là vides, reconnut Hormidas