Au bord de la rivière T4 - Constant
sortant de sa cour dans l’intention de se rendre deux fermes plus loin, chez les Connolly. La pluie avait diminué d’intensité depuis le début de la matinée, mais la rivière Nicolet, à sa droite, n’avait pas pour autant réintégré son lit et charriait des eaux boueuses.
À son entrée dans la cour de la ferme de son beau-frère, il aperçut Patrick et Duncan en train de ramasser les branchages éparpillés ici et là. Il les salua et se rendit à la maison. Camille vint lui ouvrir avant même qu’il frappe à la porte.
— Je suis venu voir si vous aviez ben des dommages, lui dit-il.
— On a été chanceux, répondit la jeune femme en l’invitant à entrer. On va juste avoir à réparer une vitre d’une fenêtre de l’étable. Liam est déjà en train de la changer.
— J’espère que cet orage-là empêchera pas le père Meilleur de me livrer mon journal, fit Paddy Connolly, confortablement installé dans sa chaise berçante, près de l’une des deux fenêtres de la cuisine.
Donat sursauta légèrement en entendant la voix du retraité. Il ne l’avait pas vu.
— Avec ce qui vient de nous tomber dessus, il y a des choses pas mal plus importantes qu’un journal, répliqua- t-il.
— Il faut pas dire ça, fit Paddy sur un ton docte. C’est par le journal qu’on peut apprendre ce qui se passe dans le vaste monde. Si je l’avais pas eu, il y a personne dans Saint-Bernard qui aurait su que Cartier avait été battu dans Montréal-Est la semaine passée et qu’il se représente la semaine prochaine au Manitoba.
— On aurait pu continuer à vivre sans le savoir, affirma Camille, agacée par son pensionnaire pompeux.
— Il faut être une femme pour dire une affaire comme ça, laissa tomber l’oncle de Liam, hautain.
— Bon, je vais y aller, moi, déclara Donat. Tu diras à Liam que je suis passé, ajouta-t-il en sortant de la maison, accompagné par sa sœur.
Donat reprit la route qui était parsemée d’importantes mares d’eau. Il dut même descendre de voiture en trois occasions pour enlever du milieu de la route de grosses branches que le vent de la nuit précédente avait arrachées aux arbres qui bordaient le rang Saint-Jean. Au passage, il constata que l’orage ne semblait pas avoir causé de dommages à la maison et au moulin de Constant Aubé.
Il poursuivit sa route jusque chez les Lafond qu’il trouva debout devant leur étable, l’air catastrophé. Il descendit de voiture et s’empressa d’aller les rejoindre.
— Tu parles d’une maudite malchance ! s’exclama-t-il en regardant le bâtiment dont près de la moitié du toit avait été emportée.
— Ça, tu peux le dire, fit sa sœur. C’est le seul dommage, mais c’en est tout un.
— Nous autres, on a perdu une vache et un veau, leur apprit-il, comme si cela pouvait rendre leur perte un peu moins pénible.
— Il y a des débris jusqu’au milieu de mon champ d’avoine. Il va falloir tout ramasser avant de faucher, dit Rémi en secouant la tête.
— Écoute, je vais aller voir comment Xavier s’en tire et on va s’organiser pour venir te donner un coup de main aussitôt qu’il va arrêter de mouiller.
Un peu réconfortés, le mari et la femme le regardèrent partir.
Au moment où Donat Beauchemin traversait le petit pont, la pluie avait cessé et une trouée dans les nuages se fit alors qu’une légère brise se levait. Il passa lentement devant l’école de rang, le magasin général et la forge. À première vue, les édifices en bois ne semblaient pas avoir souffert. La Noire eut toutefois un peu de mal à hisser la voiture au sommet de la côte du rang Sainte-Ursule parce que la route en terre avait été profondément ravinée par la pluie.
Quelques instants plus tard, le fils de Baptiste Beauchemin allait dépasser le presbytère quand il s’entendit héler par le curé Désilets qui s’avançait rapidement à sa rencontre au bord de la route. Donat stoppa son attelage, mais ne descendit pas de son boghei.
— Qu’est-ce qui se passe, monsieur le curé ? demanda- t-il au prêtre en soulevant sa casquette en signe de respect.
— Viens voir en arrière, lui ordonna Josaphat Désilets. Il y a un arbre qui est tombé sur le coin de ma remise.
— Je vous crois, monsieur le curé, fit le jeune marguillier sans esquisser le moindre geste pour descendre de sa voiture. Mais là, j’ai pas le temps d’aller voir ça. Je dois absolument aller chez mon frère
Weitere Kostenlose Bücher