Au Coeur Du Troisième Reich
discernement.
A la suite de ce raid, la production des roulements à billes qui étaient particulièrement importants pour l’armement, c’est-à-dire ceux dont le diamètre allait de 6,4 à 24 centimètres, diminua de 38 % 16 . Malgré la menace qui planait sur Schweinfurt, c’est là qu’il fallut remettre en marche les usines de roulements, car elles assuraient la majeure partie de la production et si nous avions voulu les transférer ailleurs, la production aurait été complètement arrêtée pour trois ou quatre mois. Vu la situation désastreuse où nous nous trouvions, il se révéla également impossible de déplacer les usines de roulements à billes de Berlin-Erkner, de Cannstatt ou de Steyr, bien que leur emplacement dût être connu de l’ennemi.
En juin 1945, l’état-major général de la R.A.F. m’interrogea sur les conséquences qu’auraient pu entraîner les raids menés sur l’industrie des roulements à billes : « Au bout de deux mois, répondis-je, la production d’armements aurait été considérablement ralentie et, au bout de quatre mois environ, totalement arrêtée, si :
« 1. Toutes les usines de roulements à billes (celles de Schweinfurt, Steyr, Erkner, Cannstatt, de France et d’Italie) avaient été attaquées en même temps ;
« 2. Si on avait répété ces raids trois ou quatre fois tous les quinze jours sans tenir compte de l’aspect offert par l’objectif ;
« 3. Si après cela on avait annihilé toute tentative de reconstruction, en lançant toutes les huit semaines deux terribles raids successifs et effectué ces bombardements six mois durant 17 . »
Après avoir encaissé ce premier coup, nous ne pûmes échapper aux pires difficultés qu’en utilisant les roulements à billes que la Wehrmacht avait stockés pour effectuer les réparations. En outre on épuisa les réserves qui étaient entreposées dans les magasins des fournisseurs ou des usines d’armement, ce qui permit de tenir six à huit semaines. Ensuite le nombre des roulements que les usines continuaient à produire était si limité, qu’on allait les chercher, souvent avec de simples sacs à dos, pour les transporter dans les ateliers de montage des entreprises d’armement. Nous nous demandions avec inquiétude si l’ennemi avait mis au point une stratégie aérienne consistant à détruire de façon continuelle cinq ou six objets relativement peu importants, mais dont la pénurie était susceptible d’immobiliser des milliers d’usines d’armement.
Pourtant le deuxième coup ne nous fut assené que deux mois plus tard. Alors que nous discutions avec Hitler de problèmes d’armement à son quartier général de Prusse-Orientale, nous fûmes interrompus par Schaub : « Le Reichsmarschall désire vous parler, c’est urgent. Cette fois, il a une bonne nouvelle à vous annoncer ! » Hitler nous informa qu’un nouveau raid de jour avait été lancé sur Schweinfurt et qu’il s’était soldé par une grande victoire de notre D.C.A. 18 . Le paysage était, paraît-il, jonché de bombardiers américains abattus. Mais je n’étais pas tranquille et demandai à Hitler d’interrompre la séance, car je voulais téléphoner moi-même à Schweinfurt. Or toutes les communications étaient coupées, il me fut impossible de joindre une usine. Finalement, grâce à l’intervention de la police, je réussis à avoir au bout du fil le contremaître d’une usine de roulements à billes, et ce fut un autre son de cloche : toutes les usines avaient subi des dommages très sérieux, les bains d’huile avaient pris feu et causé de graves incendies dans les salles des machines, les dégâts étaient beaucoup plus importants qu’après le premier raid. Cette fois nous avions perdu 67 % de notre production utile de roulements à billes (d’un diamètre de 6,3 à 24 centimètres).
La première mesure que je pris à la suite de ce raid fut de nommer le directeur général Kessler, l’un des plus énergiques de mes collaborateurs, délégué spécial à la production de roulements à billes. Les stocks étaient épuisés et les tentatives que nous avions faites pour nous procurer des roulements à billes en Suède et en Suisse n’avaient pas donné beaucoup de résultats. Néanmoins nous parvînmes à éviter la catastrophe en remplaçant, dans tous les cas où cela était possible, les paliers à roulements par des paliers lisses 19 . Mais nous fûmes également sauvés
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