Au Coeur Du Troisième Reich
rendues inutilisables pour des années. Le sabordage de péniches chargées de ciment devait bloquer les ports et les voies fluviales de la Ruhr. Les Gauleiter voulaient commencer à faire sauter les premières installations dès le lendemain, car les troupes adverses progressaient rapidement au nord de la Ruhr. Mais il est vrai qu’ils disposaient de si peu de moyens de transport qu’ils étaient condamnés à demander l’aide de mon organisation. Ils espéraient trouver en grande quantité, dans les mines, explosifs, détonateurs et cordons Bickford.
Sans perdre de temps, Rohland convoqua au château de Landsberg, propriété de Thyssen et siège de l’état-major de la Ruhr, une vingtaine de représentants des mines de charbon qui avaient toute sa confiance. Après une courte délibération, on décida d’un commun accord, comme s’il se fût agi de la chose la plus simple du monde, de jeter explosifs, détonateurs et cordons Bickford dans le puisard des mines, de façon à les rendre inutilisables. On chargea un de nos collaborateurs d’utiliser nos maigres réserves de carburant pour conduire en dehors des limites de la Ruhr tous les camions dont nous disposions légalement. En cas de nécessité absolue, véhicules et carburant devaient être mis à la disposition des troupes combattantes, ce qui les aurait définitivement retirés du secteur civil. Je promis enfin à Rohland et à ses collaborateurs de leur fournir, en puisant dans ce qui restait de notre production, 50 pistolets mitrailleurs pour assurer la sécurité des centrales électriques et autres installations industrielles importantes contre les commandos de destruction des Gauleiter. Maniées par des hommes décidés à défendre leur usine, ces armes représentaient alors une force non négligeable, car policiers et fonctionnaires du parti avaient dû tout récemment donner leurs armes à l’armée. Nous allâmes même, dans cette circonstance-là, jusqu’à parler de révolte ouverte.
Les Gauleiter Florian, Hoffmann et Schlessman tenaient une réunion au village de Rummenohl, près de Hagen. Bravant toutes les interdictions de Hitler, j’essayai une nouvelle fois, le lendemain, de les convaincre. Une discussion orageuse m’opposa au Gauleiter de Düsseldorf, Florian, dont les propos revenaient à peu près à dire : si la guerre est perdue, ce n’est ni la faute du Führer, ni la faute du parti, mais celle du peuple allemand, dont, de toute façon, seules de misérables épaves survivront à cette terrible catastrophe. Contrairement à Florian, Hoffmann et Schlessman finirent par se laisser convaincre. Mais les ordres du Führer étaient faits pour être exécutés et personne ne dégagerait leur responsabilité. Ils étaient d’autant plus désemparés qu’entre-temps Bormann leur avait transmis un nouvel ordre de Hitler, qui aggravait le décret portant sur la destruction des conditions de survie du peuple allemand 3 . Hitler renouvelait l’ordre d’« évacuer tous les territoires que nous ne pouvons plus tenir pour le moment et dont on peut prévoir qu’ils seront bientôt occupés par l’ennemi ». Pour couper court à toute argumentation contradictoire, il était dit encore : « Le Führer est au courant des énormes difficultés qui s’attachent à l’exécution de cet ordre. On les lui a maintes fois décrites. Cette exigence du Führer repose sur des raisons précises et fondées. La nécessité absolue de l’évacuation ne peut être remise en question. »
Cette évacuation des millions de personnes habitant à l’ouest du Rhin et de la Ruhr et dans les zones de Francfort et de Mannheim ne pouvait se faire qu’en direction des régions moins peuplées des bassins de Thuringe et de l’Elbe. Cette population des villes, insuffisamment nourrie et insuffisamment vêtue, allait submerger des contrées où rien n’avait été prévu, ni sur le plan sanitaire, ni sur le plan du logement, ni sur le plan du ravitaillement. Famine et épidémies étaient inévitables.
Les Gauleiter réunis avec moi s’accordaient à dire que le parti se trouvait dans l’incapacité d’exécuter ces ordres. Seul Florian nous lut, à notre surprise à tous, un appel enthousiaste aux fonctionnaires du parti, dont il voulait faire placarder le texte dans Düsseldorf : tous les bâtiments de la ville encore debout devraient être incendiés à l’approche de l’ennemi, qui entrerait ainsi dans une ville vidée de sa population
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