Au Coeur Du Troisième Reich
j’appris par Poser que Hitler avait congédié Guderian ; officiellement, pour raisons de santé. Mais tout familier des affaires internes savait qu’il ne reviendrait pas. J’avais perdu là l’un des rares militaires de l’entourage de Hitler qui, non content de me soutenir, m’avait constamment encouragé dans mes initiatives.
Pour comble de malheur, ma secrétaire m’apporta les dispositions que le chef des transmissions avait arrêtées en exécution de l’ordre donné par Hitler de détruire tous les biens réels de la nation. Répondant très exactement aux desseins de Hitler, elles prévoyaient la destruction de tous les moyens de transmission, non seulement de ceux de la Wehrmacht, mais de ceux de la Police, des Postes, des Chemins de fer, des Ponts et Chaussées et de l’Électricité du Reich. « Sabotage, incendie ou démolition » devaient rendre totalement inutilisables « non seulement tous les centraux téléphoniques et télégraphiques, tous les relais amplificateurs, mais aussi les relais des câbles à grande distance et, dans les stations émettrices, les mâts, les antennes, et les installations émettrices et réceptrices ». L’ennemi ne devait même pas pouvoir procéder à un rétablissement provisoire du réseau de transmissions dans les territoires occupés, car on devait détruire non seulement tous les stocks de pièces de rechange, et de câbles, mais aussi tous les plans des connexions, des réseaux de câbles et toutes les descriptions d’appareils 6 ». Toutefois, le général Albert Praun me laissa entendre qu’à l’intérieur de son service, il atténuerait le caractère radical de ces dispositions.
De surcroît, on me fit confidentiellement savoir que l’armement allait être confié à Saur, mais sous les ordres de Himmler, dont on ferait un inspecteur général pour toute la production de guerre 7 . Cette nouvelle signifiait au minimum que j’étais définitivement tombé en disgrâce auprès de Hitler. Peu après, Schaub m’appela au téléphone ; sur un ton anormalement cassant, il me convoqua pour le soir chez Hitler.
J’avais le cœur serré quand on me conduisit chez le Führer, dans son bureau situé à plusieurs mètres sous terre. Il était seul. Il me reçut avec une froideur glaciale, ne me tendant pas la main et répondant à peine à mon salut. D’une voix basse et tranchante, il alla tout de suite au but : « J’ai reçu de Bormann un rapport sur l’entretien que vous avez eu avec les Gauleiter de la Ruhr. Vous les avez exhortés à ne pas exécuter mes ordres, déclarant que la guerre était perdue. Êtes-vous conscient de ce que cela mérite ? »
Comme si le souvenir de quelque chose de lointain lui revenait, son ton, pendant qu’il parlait, perdit de son tranchant, la tension tomba et il ajouta, presque comme redevenu normal : « Si vous n’étiez pas mon architecte, je tirerais les conséquences qui s’imposent dans un tel cas. – Tirez, lui répondis-je en partie par insubordination ouverte, en partie par lassitude, les conséquences que vous estimez s’imposer, sans égards pour ma personne. »
Cette réponse, plus impulsive que courageuse, sembla le désarçonner. « Vous êtes surmené et malade, poursuivit-il après une courte pause, sur un ton affable mais, me sembla-t-il, très réfléchi. Aussi ai-je décidé que vous prendriez immédiatement un congé. Quelqu’un d’autre vous représentant dirigera votre ministère. – Non, répondis-je d’un ton décidé, je me sens en parfaite santé, je ne prendrai pas de congé. Si vous ne voulez plus de moi comme ministre, vous n’avez qu’à me révoquer. » Au moment où je disais cela, je m’aperçus qu’un an plus tôt, Göring avait déjà refusé la même solution. « Je ne veux pas vous révoquer, me dit Hitler d’un ton tout aussi décidé et comme pour clore le débat, mais je tiens à ce que vous preniez immédiatement un congé de maladie. »Je ne cédai pas. « Je ne peux pas garder ma responsabilité de ministre alors que quelqu’un d’autre agira à ma place », et d’un ton un peu plus conciliant, comme pour protester de mes bonnes intentions, j’ajoutai : « Je ne le peux pas, mon Führer. » C’était la première fois que je m’adressais à lui en employant cette formule. Mais il resta impassible. « Vous n’avez pas le choix. Il ne m’est pas possible de vous révoquer ! » me dit-il ; il ajouta, comme pour
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