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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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activité illégale perdit pour moi de sa nécessité. Encore une fois, Hitler avait réussi à me paralyser psychologiquement. A mes yeux et devant les autres, je justifiai ce changement d’attitude en prétendant qu’il était faux et absurde de vouloir encore intervenir dans le déroulement de la tragédie.
    Je pris congé de Kaufmann pour me rendre en Schleswig-Holstein. Nous nous installâmes dans nos caravanes sur le bord du lac d’Eutin. Parfois, je rendais visite à Dönitz ou à des connaissances de l’état-major général qui, aussi inactifs que moi, attendaient impatiemment l’évolution de la situation. Ainsi étais-je présent lorsqu’on apporta à Dönitz, le 1 er  mai 1945, le radiogramme 5 limitant ses droits de successeur de façon draconienne. Hitler avait en effet prescrit au nouveau président du Reich la composition de son gouvernement : Goebbels était chancelier du Reich, Seyss-Inquart ministre des Affaires étrangères et Bormann ministre du Parti. En même temps Bormann annonçait son arrivée prochaine. « Mais c’est tout à fait impossible ! se lamentait Dönitz, consterné de cette limitation de ses fonctions. Quelqu’un a-t-il déjà vu ce télégramme ? » Son aide de camp Lüdde-Neurat établit qu’il était venu directement du réceptionniste au grand amiral. Voyant cela, Dönitz donna l’ordre d’engager le réceptionniste à se taire, de mettre ce télégramme sous clef et de ne le montrer à personne. « Qu’allons-nous faire, demanda-t-il alors, si Bormann et Goebbels arrivent effectivement ? » Sans attendre de réponse, il poursuivit d’un ton ferme et résolu : « En aucun cas, je ne collaborerai avec eux. » Ce soir-là, nous fûmes tous deux d’avis qu’on devait d’une manière ou d’une autre s’assurer des personnes de Bormann et de Goebbels.
    Ainsi Hitler obligea Dönitz à commettre dès son entrée en fonctions un acte illégal : cette dissimulation d’un document officiel  6 était le dernier maillon de la longue chaîne de tromperies, de trahisons, d’hypocrisies et d’intrigues que déroulèrent ces jours et ces semaines : trahison de Himmler négociant avec l’ennemi, dernière grande intrigue de Bormann aux dépens de Göring, réussie parce qu’il avait dupé Hitler, projets de Göring d’arrangement avec les alliés, pourparlers de Kaufmann avec les Anglais et cette offre qu’il me fit d’utiliser l’émetteur de Hambourg, déclaration d’allégeance de Keitel à un nouveau maître du vivant même de Hitler, et enfin mes propres tromperies, moi qui, tout au long des derniers mois, n’avais cessé de duper l’homme qui m’avait découvert et encouragé, moi qui avais même voulu l’éliminer. Nous nous y étions tous vus forcés par ce système que nous avions nous-mêmes représenté ; obligés par Hitler lui-même qui, de son côté, se trahissant lui-même, nous trahit tous et trahit son peuple. Ainsi sombra le III e Reich.
     
    Au soir de ce 1 e   r  mai où nous apprîmes la mort de Hitler, je dormis dans une petite pièce du cantonnement de Dönitz. En défaisant ma valise, je découvris l’écrin de cuir rouge contenant le portrait de Hitler. Ma secrétaire l’avait mis dans la valise. J’étais à bout de nerfs. Quand, ayant ouvert la cassette, je mis la photo sur latable, une crise de larmes me secoua. Ce fut seulement à ce moment-là que se dénouèrent les liens qui me tenaient enchaîné à Hitler. Son charme magique avait fini d’agir. Il ne restait plus que les images de champs couverts de morts, de villes en ruines, de millions d’hommes et de femmes en deuil, de camps de concentration. Toutes ces images ne défilèrent pas devant mes yeux à ce moment-là, mais elles durent être présentes à mon esprit. Je sombrai en un sommeil profond.
    Quinze jours plus tard, j’écrivis, sous le coup des révélations des crimes commis dans les camps de concentration, au nouveau chef du gouvernement, von Schwerin-Krosigk. « Ceux qui ont jusqu’à maintenant dirigé l’Allemagne portent la responsabilité collective du destin qui attend le peuple allemand. Cette faute collective, chacun doit l’assumer pour sa part, de telle sorte que la faute, qui autrement pourrait retomber sur le peuple allemand, se trouve répartie sur ces individus. »
    Un nouveau chapitre de ma vie venait de commencer. Il n’a pas encore pris fin.

33.
    Les étapes de ma captivité
    Karl Dönitz, le nouveau chef d’État,

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