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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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on le comprendra aisément, dans d’autres questions aussi, nos avis s’opposaient. Un problème revêtait une importance capitale : celui de la peinture que nous ferions du règne de Hitler. Göring, qui pourtant n’avait pas été jadis sans formuler de sévères critiques sur certaines pratiques du régime, plaidait pour qu’on le blanchisse. Il osait déclarer que, pour lui, ce procès n’aurait de sens que s’il nous permettait de façonner une légende positive. Je n’avais pas seulement le sentiment qu’il était malhonnête de tromper ainsi le peuple allemand, je pensais également qu’il serait dangereux de lui rendre plus difficile sa prochaine étape. Seule la vérité pouvait encore enclencher le processus qui lui permettrait de se libérer du passé.
    Le véritable ressort des déclarations de Göring apparut en pleine lumière, le jour où il déclara que les vainqueurs pouvaient bien le tuer, mais que cela n’empêcherait pas, dans cinquante ans à peine, le peuple allemand de mettre ses restes dans un sarcophage de marbre et de le fêter comme un héros national et un martyr. C’est d’ailleurs ce que beaucoup de détenus pensaient qu’il leur arriverait. Dans d’autres questions, Göring eut moins de succès. Ainsi il prétendait que nous étions tous condamnés à mort d’avance et qu’aucun de nous n’avait de chances de s’en sortir ; qu’en conséquence, il était inutile de faire l’effort de présenter sa défense. Sur quoi, je fis remarquer que « Göring voulait manifestement entrer au Walhalla suivi d’une grande escorte ». Mais en réalité, c’est Göring qui, par la suite, se défendit avec le plus d’acharnement.
    Depuis que Göring s’était, à Mondorf et à Nuremberg, vu soumis à une cure de désintoxication systématique qui le guérit de sa morphinomanie, il se trouvait dans une forme que je ne lui avais jamais connue. Capable de déployer une énergie considérable, il devint la plus forte personnalité de notre groupe. A cette époque-là, je me pris à regretter qu’il n’ait pas fait montre de cette assurance dans les derniers mois qui précédèrent la guerre ou dans les situations critiques de cette guerre, alors que la drogue l’avait rendu faible et servile. Car il aurait été le seul dont l’autorité et la popularité auraient pu en imposer à Hitler. Il avait effectivement été l’un des rares à faire preuve d’assez d’intelligence pour prévoir notre destin. Après avoir laissé passer cette chance, il était insensé et même criminel de sa part d’user de son énergie retrouvée pour induire son propre peuple en erreur. Car son dessein n’était que duperie et tromperie. Un jour, dans la cour de la prison, apprenant qu’il y avait des survivants parmi les Juifs de Hongrie, il déclara froidement : « Tiens, il en reste encore ? Je pensais qu’on les avait tous eus. Il y en a encore un qui n’a pas fait son travail de limier. » Je demeurai sans voix.
    Ma décision de porter la responsabilité pour le régime tout entier n’alla pas sans crises intérieures. La seule possibilité d’y échapper eût été d’éviter le procès en me donnant la mort avant. La nuit, j’avais souvent de vrais accès de désespoir. J’essayais alors, en ligotant ma jambe malade avec une serviette, de provoquer à nouveau une phlébite. Ayant entendu un savant dire, au cours d’une conférence à Kransberg, que la nicotine d’un seul cigare, émietté et dissous dans de l’eau, suffisait à provoquer la mort, je me promenai longtemps avec un cigare en miettes dans la poche ; mais il y a loin de l’intention à l’acte.
    Je trouvai un grand réconfort dans les services divins dominicaux. A Kransberg encore, j’avais refusé d’y prendre part, ne voulant pas passer pour un faible. Mais à Nuremberg, je renonçai à ces calculs. La pression descirconstances m’entraîna comme presque tous les autres accusés, à l’exception de Hess, Rosenberg et Streicher, dans notre petite chapelle.
     
    On nous avait, depuis des semaines déjà, enlevé nos costumes pour les ranger et les Américains nous avaient fourni des treillis teints en noir. Or un jour, des employés vinrent dans nos cellules nous demander lequel de nos costumes nous voulions faire nettoyer pour le procès. Chaque détail, jusqu’aux boutons de manchette, fit l’objet d’une discussion avec le commandant.
    Après une dernière inspection passée par le colonel Andrus,

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