Au Coeur Du Troisième Reich
Streicher condamna l’extermination des Juifs par Hitler. Funk parla de crimes effroyables qui le remplissaient d’une honte profonde, Schacht se dit bouleversé jusqu’au plus profond de lui-même « par l’indicible détresse qu’il avait essayé de prévenir », Sauckel aussi se dit « bouleversé jusqu’au plus profond de lui-même par les méfaits révélés au cours du procès », pour Papen « la puissance du mal s’était révélée plus forte que la puissance du bien », Seyss-Inquart parla d’ « affreux excès », pour Fritzsche « le meurtre de cinq millions d’hommes était un lugubre avertissement pour l’avenir ». En revanche, ils se défendirent d’avoir eu part à tous ces événements.
Mon espoir était en un certain sens comblé ; la faute se trouvait, dans une grande mesure, reportée sur nous, les accusés. Mais, en cette malheureuse époque, en dehors de l’infamie des hommes, un facteur, pour la première fois, avait fait son entrée dans l’histoire, différenciant cette dictature de tous ses modèles historiques et devant sans doute, dans l’avenir, encore gagner en importance. En tant que principal représentant d’une technocratie qui venait, sans s’embarrasser de scrupules, d’engager tous ses moyens contre l’humanité 2 , j’essayai non seulement de reconnaître mais également de comprendre ce qui était arrivé. Dans mon discours final, je déclarai : « La dictature de Hitler fut la première dictature d’un État industriel en cette période de technique moderne, une dictature qui, pour dominer son propre peuple, se servit à la perfection de tous les moyens techniques. Grâce à des moyens techniques, tels que la radio et les haut-parleurs, 80 millions d’hommes purent être asservis à la volonté d’un seul individu. Le téléphone, le télex et la radio permirent aux plus hautes instances de transmettre immédiatement leurs ordres aux échelons les plus bas où on les appliqua sans discuter, à cause de la haute autorité qui s’y attachait. De nombreux services et de nombreux commandos reçurent ainsi par voie directe leurs ordres funestes. Ces moyens permirent une surveillance très ramifiée des citoyens, en même temps que la très grande possibilité de garder secrets les agissements criminels. Pour le non-initié, cet appareil d’État peut apparaître comme le fouillis apparemment absurde des câbles d’un central téléphonique. Or, comme ce central téléphonique, une volonté pouvait à elle toute seule l’utiliser et le dominer. Les dictatures précédentes avaient besoin de collaborateurs de qualité, même dans les fonctions subalternes, d’hommes capables de penser et d’agir par eux-mêmes. A notre époque de la technique, un système autoritaire peut y renoncer, les seuls moyens d’information lui permettent de mécaniser le travail des organes subalternes. La conséquence en est le type d’individu qui reçoit un ordre sans le discuter. »
Les événements criminels de ces années passées n’avaient pas été dus uniquement à la personnalité de Hitler. La démesure de ces crimes pouvait en même temps s’expliquer par le fait que Hitler avait su le premier se servir, pour les commettre, des moyens offerts par la technique.
Évoquant alors le danger que pourrait représenter à l’avenir un pouvoir illimité disposant des immenses ressources de la technique, un pouvoir qui se servirait de la technique mais serait aussi son esclave, cette guerre, poursuivis-je, s’était terminée sur l’emploi de fusées téléguidées, d’avions volant à la vitesse du son, de bombes atomiques, et sur la perspective d’une guerre chimique. Dans cinq ou six ans, on pourrait anéantir en quelques secondes, à l’aide d’un missile atomique servi par au plus dix hommes, le centre de New York et y tuer un million d’hommes, ou, au moyen d’une guerre chimique, déclencher des épidémies et détruire les récoltes. « Plus la technique se développe dans le monde, plus le danger devient grand… En tant qu’ancien ministre d’une industrie d’armement très développée, il est de mon devoir de lancer cet avertissement : une nouvelle grande guerre se terminera par l’anéantissement de la culture et de la civilisation humaines. Rien n’empêchera lascience et la technique déchaînées d’accomplir leur œuvre de destruction de l’homme, celle-là même que les techniciens ont commencée de si terrible
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