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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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façon dans cette guerre-ci…  3  .
    « Le cauchemar de beaucoup d’hommes, continuai-je, cette peur de voir un jour la technique dominer les peuples, il a failli se réaliser dans le système autoritaire de Hitler. Tout État au monde court aujourd’hui le danger de passer sous le règne de la terreur née de la technique, mais, dans une dictature moderne, cela me semble inéluctable. Par conséquent, plus le monde devient technique, plus il est nécessaire de lui faire contrepoids par l’exigence de liberté individuelle et de prise de conscience de l’individu… C’est pourquoi ce procès doit contribuer à établir les règles fondamentales de la coexistence de tous les hommes. Quelle importance mon propre destin peut-il avoir, après tout ce qui est arrivé et devant un but aussi sublime ? »
    Après le procès, ma situation, je le voyais bien, était désespérée. La dernière phrase de mon discours n’était en rien une profession de foi rhétorique ; j’avais tiré un trait sur ma vie 4  .
     
    Le Tribunal s’ajourna à une date indéterminée pour délibérer. Nous attendîmes quatre longues semaines. C’est précisément dans cette période de tension presque insupportable qu’épuisé par le tourment moral de ces huit mois de procès, je lus le roman de Dickens, Histoire de deux villes , dont l’action se situe à l’époque de la Révolution française. On y voit les prisonniers de la Bastille considérer d’une âme égale et sereine le sort incertain qui les attend. Moi, en revanche, j’étais incapable d’une telle liberté intérieure. L’accusateur soviétique avait requis contre moi la peine de mort.
    Le 30 septembre 1946, pour la dernière fois, nous prîmes place, dans nos costumes bien repassés, sur les bancs des accusés. Le tribunal avait voulu nous épargner photographes et caméras au moment de la lecture des attendus du jugement. Les projecteurs qui avaient jusqu’alors illuminé la salle du tribunal et permis d’enregistrer chacune de nos émotions restèrent éteints. La salle avait un aspect inhabituellement triste, quand les juges firent leur entrée et qu’accusés, défenseurs, accusateurs, spectateurs et représentants de presse se levèrent pour la dernière fois devant la cour. Comme il l’avait fait tous les jours pendant le procès, le président du Tribunal, Lord Lawrence, s’inclina dans toutes les directions, même dans la nôtre, puis s’assit.
    Les juges se relayèrent. Plusieurs heures d’affilée, ils lurent à voix haute et monotone le chapitre certainement le plus triste de toute l’histoire allemande. La condamnation des dirigeants me semblait toutefois tracer une démarcation très nette au-delà de laquelle la faute ne pouvait retomber sur le peuple allemand. Car si Baldur von Schirach qui, des années durant, avait été le Führer de la Jeunesse allemande et l’un des plus proches collaborateurs de Hitler, si le ministre de l’Économie, au début également responsable du réarmement, Hjalmar Schacht, étaient lavés de l’accusation d’avoir préparé et mené une guerre d’agression, comment pourrait-on alors charger de cette faute un simple soldat ou même les femmes et les enfants ? Si le grand amiral Raeder, si l’adjoint de Hitler, Rudolf Hess, étaient lavés de l’accusation d’avoir trempé dans des crimes contre l’humanité, comment pourrait-on inculper un technicien ou un ouvrier allemands ? En outre, j’espérais que ce procès aurait une influence directe sur la politique d’occupation des puissances victorieuses : ce qu’elles venaient de définir comme étant criminel, elles ne pourraient l’appliquer contre notre peuple. Je pensais là bien entendu à ce qui constituait la charge principale pesant sur moi : le travail obligatoire  5  .
    Puis on lut les attendus du jugement concernant chaque cas, sans que le jugement lui-même ait été communiqué  6  . Mes activités furent définies avec une froide impartialité, en accord complet avec tout ce que j’avais exposé lors de mes interrogatoires. On retint contre moi la part que j’avais prise dans la déportation de travailleurs étrangers, et le fait que je ne me sois opposé aux plans de Himmler que pour des raisons tactiques de production, tout en n’hésitant pas à utiliser les détenus des camps de concentration et en poussant à l’emploi des prisonniers de guerre soviétiques dans l’industrie d’armement. Le jugement me faisait

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