Au Coeur Du Troisième Reich
rage et, en hurlant, envoya chercher Bormann, qui arriva tout interdit. Hitler l’apostropha : il avait souvent dit que cette localité ne devait être évoquée en aucun cas. Cet âne de Gauleiter avait pourtant fait apposer un écriteau. Il fallait le faire enlever immédiatement. Je ne pouvais pas, à l’époque, m’expliquer sa colère, car, par ailleurs, il se réjouissait quand Bormann lui rapportait qu’on avait restauré d’autres lieux de sa jeunesse autour de Linz et de Braunau. Il était évident qu’il avait un motif pour effacer cette partie de sa jeunesse. On sait aujourd’hui qu’un arrière-plan familial assez obscur se perd dans cette région de la forêt autrichienne.
Parfois, il crayonnait une tour de la forteresse historique de Linz : « C’était là, me disait-il, mon terrain de jeu préféré. J’étais un mauvais élève, mais un vrai garnement. Je veux faire un jour, en souvenir de cette époque, transformer cette tour en une grande auberge de jeunesse. » Souvent il évoquait aussi les premières impressions politiques de sa jeunesse. Presque tous ses condisciples à Linz avaient le sentiment qu’il fallait interdire l’immigration des Tchèques en Autriche allemande ; c’est cela qui l’avait, pour la première fois, sensibilisé au problème des nationalités. Mais ensuite, à Vienne, il avait d’un seul coup compris le danger que représentait le judaïsme, beaucoup de travailleurs qu’il fréquentait étant très antisémites. Mais il y avait une chose chez ces travailleurs avec laquelle il n’était pas d’accord : leurs idées sociales-démocrates. « Je les rejetais, disait-il, et je n’ai jamais non plus adhéré à aucun syndicat. Ce fut le début de mes ennuis politiques. » Il est possible que ce soit là une des raisons pour lesquelles il conservait un mauvais souvenir de Vienne, alors qu’il se rappelait avec extase le temps passé à Munich avant la guerre, surtout pour les charcuteries et leurs bonnes saucisses.
Il portait un respect sans réserves à l’évêque de Linz qui avait, à force d’énergie et contre de nombreuses résistances, réussi à faire agrandir la cathédrale de la ville pour lui donner des proportions inhabituelles ; Hitler racontait que cet évêque, parce qu’il voulait surpasser même la cathédrale Saint-Etienne de Vienne, avait eu maille à partir avec le gouvernement autrichien qui ne voulait pas voir Vienne dépassée 4 . Habituellement, suivaient des considérations sur l’intolérance du gouvernement central autrichien qui avait réprimé toutes les tentatives d’autonomie culturelle de villes comme Graz, Linz ou Innsbruck. Il ne prenait apparemment pas conscience qu’il imposait à des pays entiers cette même uniformisation forcée. Or, maintenant que c’était lui qui décidait, il aiderait, affirmait-il, sa ville à faire valoir ses droits. Son programme pour transformer Linz et en faire une métropole comportait la construction d’une série d’immeubles d’apparat sur les deux rives du Danube, un pont suspendu devant relier celles-ci entre elles. Son projet devait culminer dans la construction de la maison du N.S.D.A.P., le Gauhaus, un énorme bâtiment avec une salle de réunion gigantesque et un campanile. C’est dans cette tour qu’il voulait avoir, dans une crypte, sa sépulture. Les autres points forts de cette restructuration architecturale des deux rives devaient être un hôtel de ville, un grand hôtel de luxe, un grand théâtre, un commandement général, un stade, une galerie de tableaux, une bibliothèque, un musée des armes, un bâtiment d’exposition et enfin deux monuments, le premier pour célébrer la libération de 1938, et le deuxième à la gloire d’Anton Brückner 5 . M’étaient réservés les projets de la galerie de tableaux et du stade qui, lui, dominerait la ville du haut d’une colline. Non loin de là, également sur la hauteur, devait s’élever la résidence où Hitler se retirerait dans sa vieillesse.
Hitler rêvait du panorama qu’à Budapest les siècles avaient modelé sur les deux rives du Danube. Son ambition était de faire de Linz la Budapest allemande. Il prétendait en effet, à ce sujet-là, que Vienne était, de toute façon, mal orientée, tournant le dos au Danube comme elle le faisait. Les constructeurs n’avaient pas su, selon lui, intégrer le fleuve dans le plan de la ville. Le seul fait qu’à Linz, lui réussirait à le faire,
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