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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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homme de petite taille, aux cheveux blancs, soigné de sa personne, vigoureux, le visage lisse, l’air posé. Il vit seul, dans un coquet appartement au premier étage d’un bloc d’immeubles bien chauffé, en bordure d’une avenue plantée d’arbres dans le centre de Berlin. La salle de séjour est bien meublée ‒ argenterie, verrerie, bibelots, très beau pick-up – l’intérieur d’un homme à l’aise.
    Horn a été infirmier très jeune et a travaillé surtout dans les hôpitaux psychiatriques. « Jusqu’à ce que je sois mobilisé en 1939, dit-il. Naturellement j’ai été versé dans le corps médical. La politique ? Non, je n’ai jamais fait de politique. Quand ça a commencé [le mouvement nazi], je ne m’en suis pas occupé. J’avais un métier intéressant. Je me moquais bien de leur politique. Mais, évidemment, en Allemagne, les infirmiers sont des fonctionnaires et c’est pour ça que j’ai dû entrer au parti un peu plus tard, sans quoi je n’aurais pas pu garder mon emploi. Mais ce n’était qu’une formalité. Et quand nous avons été mobilisés, qu’est-ce que nous pouvions savoir, nous autres de ce qu’ils fabriquaient à Berlin ? J’étais à Kiev quand j’ai appris tout à coup que j’étais transféré. C’était des choses qui arrivaient – on ne posait pas de question – on s’exécutait. En réalité, c’était bizarre, j’étais libéré ; j’avais vraiment ma feuille de démobilisation ; on m’a dit de regagner mes foyers et de me présenter à mon unité à Dresde. À la gare de ma localité, on m’a dit d’aller me présenter – je crois à Berlin. Et là, on m’a envoyé à Sonnenstein [à l’institut de Pirna] et puis en Pologne.
    « À Pirna, je n’ai passé que quelques jours, dit-il. Quatre, je crois. Je ne sais pas pourquoi on avait besoin de moi là. Je me le suis demandé aussi. À ce moment-là – en septembre 1942 – il ne restait plus rien ni personne – sauf quelques hommes… » Il a cité quelques noms d’employés à l’euthanasie et à Treblinka. « Oh ! Et puis j’ai rencontré un ami de chez moi, aussi du personnel médical, et on ne s’est plus quittés. On ne faisait rien du tout – un peu d’exercice, il me semble, et le reste du temps, on traînait – comme ça pendant huit ou quinze jours [il oubliait avoir dit d’abord quatre]. Non, on ne nous a rien dit… Ah ! si, oui, on a appris qu’ils avaient tué des gens là. Ce que j’en ai pensé ? Que c’était pas bien, quoi, que… » La phrase est restée en suspens. « Non, nous n’en avons guère parlé entre nous. Mon copain et moi, on glissait un mot comme ça de temps en temps, mais en somme, on n’en parlait pas.
    « Et après on est allés en Pologne – on était vingt. Non, personne ne nous a dit où on allait et pourquoi – ah ! si, à la fin, quelqu’un a dit que c’était un camp de recasement pour les Juifs. »
    La version de Suchomel est si différente qu’elle exige d’être mentionnée. « Horn est arrivé au Sonne bien plus tôt. C’est de là qu’il est allé au service-photo à Berlin [où Suchomel se trouvait lui-même], au début de l’hiver 1941. [Ce devait être autour de novembre.] Et de là, il a été envoyé en Russie, comme faisant partie de l’OT Einsatz, un service purement T4. Puis il est retourné à Berlin au service-photo, puis il est allé en Pologne. » Suchomel ajoute qu’à Treblinka Horn avait la réputation d’être quelqu’un de correct qui n’a jamais frappé personne et la chose m’a été confirmée d’ailleurs par plusieurs survivants.
    Néanmoins, les transferts de Horn – ainsi qu’il apparaît nettement à travers ses propres dérobades et à travers le récit très précis de Suchomel – n’étaient aucunement le fait du hasard comme il le prétendait [ainsi que Herr Allers]. Il avait insisté dans son récit sur le fait qu’il était revenu de Russie par ses propres moyens. « Oh ! si, j’avais bien une feuille de route, dit-il, mais personne ne m’avait donné les horaires et tout ça : tout ce qu’on m’avait dit, c’est : « Rentrez chez vous ! »
    Cela déjà suppose une situation tout à fait exceptionnelle. Nous savons bien que dans l’armée allemande, on ne procédait pas ainsi couramment.
    Il ressort de ces deux récits ce qui suit : Otto Horn, jeune infirmier, natif de Silésie, en Allemagne proprement dite – l ’Altreich  – fut

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