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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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recruté ou transféré – impossible de savoir lequel, à moins que lui (ou Herr Allers) ne nous dise la vérité – à T4, au début de 1940 probablement, et envoyé à l’Institut d’euthanasie de Sonnenstein. De là – vraisemblablement à l’époque où prit fin le Programme d’euthanasie – il fut transféré temporairement au service-photo de T4 à Berlin [chose assez mystérieuse, pourquoi un infirmier dans un service-photo ?] et il fut envoyé ensuite en Russie, probablement dans le cadre du transfert général du personnel de T4 dont a parlé Herr Allers. Toutefois, le point significatif, d’après son propre récit, est qu’il fut « tout à coup averti », alors qu’il se trouvait à Kiev, qu’il était retransféré en Allemagne – par ses propres moyens. Pourquoi choisir un seul homme, sur quelques centaines d’employés expédiés à longue distance en Ukraine, et le ramener en Allemagne afin – prétend-il, mais cela en contradiction avec Suchomel – de le renvoyer de nouveau à l’Est, en Pologne, quelques semaines plus tard seulement ?
    La seule explication satisfaisante est qu’Otto Horn – ainsi que tous ceux qui furent retenus pour l’Aktion Reinhardt  – étaient en réalité choisis sur la base des notes obtenues précédemment par eux dans l’exécution du Programme d’euthanasie.
    Herr Allers prétend ne savoir que très peu de chose sur les individus versés à T4, et encore moins sur la mutation du Programme d’euthanasie en Aktion Reinhardt. Pourtant ces employés, partout où ils se trouvaient, et quel que fût leur poste, dépendaient des bureaux T4 à Berlin. Herr Allers en est resté le directeur administratif jusqu’en mai 1944, époque où l’existence à Berlin de cette administration toute-puissante devint manifestement superflue ; il fut alors transféré à Trieste fortuitement, pour y succéder à Wirth qui venait d’être tué. [Cette information provient des autorités judiciaires allemandes et non de Herr Allers lui-même.] Eu égard à leur situation, Herr Allers et sa femme firent preuve d’un certain courage en acceptant de s’entretenir avec moi ; mais eu égard à la somme considérable et unique de connaissances que détient Herr Allers sur des affaires encore mal connues de nous et dont il ne reste aucune trace écrite, on souhaiterait qu’il eût montré un peu plus de courage encore.
    Tout en étant disposés jusqu’à un certain point à parler de l’euthanasie, Herr Allers et sa femme l’étaient beaucoup moins à parler de T4 et des Juifs.
    « Quand avez-vous appris ce qui arrivait aux Juifs en Pologne ? » ai-je demandé. Il y a eu un long silence. « Oh ! dans le courant de 43 », a fini par dire Frau Allers. « Ça correspond à vos propres souvenirs ? », ai-je demandé au mari. En 1943 des millions de Juifs avaient déjà péri et, les SS qui dirigeaient les exécutions étaient payés, il leur était délivré des papiers. Ils recevaient fréquemment des permissions des bureaux de T4 de Berlin qui géraient aussi – Herr Allers a dû le reconnaître ultérieurement – un centre de permissionnaires pour le personnel de T4 et leur famille, au bord de l’Altersee en Autriche. « Comment l’aurais-je su ? », dit-il.
    « Et qu’avez-vous éprouvé quand vous l’avez appris ? »
    « Comment pouvez-vous nous poser cette question ? dit Frau Allers, chez nous, dans cette pièce, nous poser cette question à nous ? »
    « Je crois que je le peux, ai-je répondu. Vous étiez là. Vous n’avez pas quitté T4 quand le Programme d’euthanasie a pris fin en Allemagne. Vous êtes restés. Et vous avez su. »
    « Bien sûr, c’était terrible, épouvantable, dit-elle. Nous n’avions rien contre les Juifs. J’avais été à l’école avec des Juifs. L’autre jour encore j’ai retrouvé une photo de moi dans un jardin d’enfants juifs de Berlin… »
    « Oui, dit Herr Allers, quand j’étais à l’école, sur les cinquante élèves de ma classe, il y avait quarante Juifs. Ça n’aurait pas dû, vous ne trouvez pas – à Charlottenburg… Mais ce que j’ai ressenti ? Qu’est-ce qu’on pouvait ressentir ? Ça va de soi – Terrible. Mais que pouvait-on faire ? »
    « Mais toute cette lamentable affaire des Juifs, a-t-il dit un peu plus tard. Vous voulez savoir la vérité  ? Personne chez nous ne pensait à les exterminer ; si vous étiez allé dire à n’importe qui en

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