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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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inviter les colons à prendre des précautions. Le chevalier de Louboey, vaillant soldat dont l'aimable libertinage avait scandalisé M. de La Chaise, prit en charge la défense des concessions et un enseigne, délégué chez les Chacta, réussit à réunir sept cents guerriers qui allèrent, entraînés par des coureurs de bois, donner une première leçon aux Natchez. Ils rapportèrent six scalps, firent dix-huit prisonniers, libérèrent Mayeux et Lebeau, plus cinquante et une femmes blanches et cent six esclaves, en attendant que fût montée une véritable expédition punitive. Celle-ci se mit en route le 14 novembre 1730, sous les ordres du gouverneur Périer. Six cent cinquante soldats, cent vingt marins, quatre cents Chicassa, munis de onze canons, marchèrent contre les Natchez. Les Indiens délogés du fort Rosalie s'étaient retirés dans un fort qu'ils avaient eux-mêmes construit, comme les Français leur avaient appris à le faire. Les assiégeants n'osèrent pas bombarder le bastion indien, par crainte de tuer les Blancs que les Natchez détenaient encore. Il fallut attendre plusieurs jours et conduire des attaques, meurtrières pour les deux partis, avant d'obtenir la reddition des Natchez. Au moment du bilan, on découvrit que, si quelques assiégés avaient réussi à s'enfuir, la plupart des combattants indiens avaient été tués et que presque toutes les femmes et les enfants de la tribu avaient péri ou figuraient parmi les quatre cent cinquante prisonniers que M. Périer et ses officiers emmenèrent à La Nouvelle-Orléans. Tous furent embarqués pour Saint-Domingue, où la Compagnie des Indes les vendit comme esclaves. Les chefs, qui, au moment de la reddition, avaient obtenu la vie sauve mais qui avaient été déportés comme les autres, devaient être hébergés et nourris par la Compagnie des Indes. Maurepas 13 , secrétaire à la Marine, ayant refusé de rembourser les mille huit cent quatre-vingt-huit livres qu'avait coûté l'entretien des prisonniers, ces derniers furent vendus, comme les gens de leur peuple, à des colons.
    À part quelques rescapés qu'adoptèrent les Chicassa, rien ne parut survivre de l'orgueilleuse et courageuse nation des Natchez.
    Les Français avaient vengé leurs morts, mais, en détruisant les Natchez, la Compagnie des Indes avait perdu ses meilleurs ouvriers, ceux qui, dans les concessions, cultivaient le tabac et l'indigo, livraient dans ses magasins les plus belles fourrures de castor, ceux qui construisaient les maisons les plus solides.
    Le 23 janvier 1731, les directeurs de la Compagnie, ayant fait les comptes et constaté, avec semble-t-il un pessimisme exagéré mais de nature à apitoyer le pouvoir, qu'en treize ans la Louisiane avait coûté plus de vingt millions de livres aux actionnaires, adressèrent une supplique au roi Louis XV « à l'effet de supplier très humblement [Sa Majesté] qu'il lui plaise, pour les motifs énoncés [le déficit !], révoquer la concession de la colonie de la Louisiane, ne réserver à la Compagnie des Indes que le privilège du commerce exclusif de cette colonie aux offres et conditions de sa part de fournir et de transporter aux habitants de Louisiane, sur pieds et aux prix accoutumés, la quantité de cinq cents nègres par an et d'ailleurs tout ce qui sera estimé être pour leurs besoins indispensables ou (ce qui conviendrait mieux aux intérêts de la Compagnie) agréer la rétrocession du privilège de ce commerce même qu'elle prévoit lui être infiniment onéreux, à la charge de fournir à Sa Majesté quelque équivalent des offres et conditions ci-dessus tel qu'il plaira à Sa Majesté et à son conseil d'arbitrer ». Le roi, qui entend traiter favorablement la Compagnie, « réduit et fixe cet équivalent trois millions six cent mille livres », mais Maurepas, secrétaire à la Marine qui ne se laisse pas émouvoir par les gémissements des boutiquiers de Lorient, ramène d'office la somme à un million quatre cent cinquante mille livres, qui sera payée en six ans !
    Dans le même temps où la Couronne de France redevenait propriétaire de la Louisiane, le brave gouverneur Périer, toujours en retard d'une frégate, annonçait fièrement à son ministre qu'on avait, pour la première fois, récolté du coton, « le plus beau coton que j'aie vu dans aucune colonie du monde », écrivait-il. La postérité admettra qu'au moins une fois dans sa vie le bonhomme Périer, timoré mais honnête,

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