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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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en pyramide. Quand la fête sanglante est terminée, il s'en va d'un pas tranquille et les choucas arrivent.
    Deux soldats du fort, qui avaient réussi à s'échapper, ont été repris, Mayeux et Lebeau. Les Indiens leur laissent la vie sauve. Lebeau parce qu'il est tailleur et pourra adapter aux mesures des assassins les vêtements de leurs victimes, Mayeux parce qu'il est robuste et fera un bon domestique. On le charge d'ailleurs immédiatement de transporter au grand village des Natchez le butin, notamment la cave d'Etcheparre et les munitions trouvées dans le fort. Le lieutenant Macé, que Stelona voulait sauver, n'a pas échappé au massacre. Alors qu'il sortait de la prison avec les Kolly et Papin, il a été tué comme eux. Vingt-trois des vingt-quatre soldats du fort ont péri sans avoir pu se défendre, le père Poisson, jésuite, l'abbé Bailly, le sous-lieutenant Desnoyer, les chirurgiens Laronde et Gurloz, les mariniers Pascal et Caron, patrons de la demi-galère, ont été décapités. Ricard, le garde-magasin qui a eu l'idée de plonger dans la rivière où il a attendu la nuit, se sauve à la faveur d'un orage. Une vingtaine de personnes qui ont aussi réussi à se cacher profitent, comme Ricard, de l'obscurité et de la pluie pour quitter ces lieux maudits où les chiens, les chats sauvages, les renards et les rapaces se disputent les cadavres.
    Les Indiens ont aussi attaqué les habitations isolées. Les directeurs des concessions Terre-Blanche, propriété de la Compagnie des Indes, et Sainte-Catherine ont péri avec leur famille et leurs employés. Sur le domaine du marquis de Mézières, les Natchez ont égorgé dix-huit personnes. Sous couvert d'une visite amicale au fort Saint-Claude, au pays des Yazou, ils se sont introduits dans la place et ont massacré le commandant Ducoder et tous les habitants. Une autre troupe d'Indiens a voulu attaquer Natchitoches, mais Juchereau de Saint-Denys, prévenu par ses fidèles de la tribu des Ceni, était sur la défensive. Avec ses hommes, il a tué une centaine d'assaillants ; les autres ont fui.
    Le père Gilibert, chargé de faire le compte des victimes de cette révolte des Natchez, rendit son rapport le 9 juin 1730 et révéla que deux cent trente-sept personnes, cent quarante-cinq hommes, trente-six femmes et cinquante-six enfants avaient été assassinées en quelques heures, le 28 novembre 1729. Les Natchez n'avaient eu que douze morts à pleurer.
    À La Nouvelle-Orléans, le massacre des Français par les Natchez fut ressenti comme un acte de barbarie et comme une trahison. Le gouverneur Périer, annonçant le drame au secrétaire à la Marine, fit le bilan de la tuerie et précisa que les Indiens avaient emmené comme prisonniers les femmes, les enfants et les Noirs. Comme d'autres Louisianais, il crut voir, dans cette agression si bien montée, une main étrangère. « L'attaque faite en plein jour, la conduite de l'action, et la prise de la demi-galère avec la conservation des nègres n'est nullement Sauvage. Il n'y en a même pas d'exemple, ce qui ne me laisse pas de douter qu'il y ait eu des Anglais travestis avec eux. » En attendant, Périer – qui ne disposait que de cinq cent soixante-sept soldats, dont cent trente à La Nouvelle-Orléans et quatre-vingt-cinq à Mobile, pour défendre la colonie – réclama des vaisseaux et des troupes, fit renforcer l'enceinte de La Nouvelle-Orléans, construire de nouveaux forts et des redoutes entre le pays des Tunica et le delta du Mississippi, et accélérer les travaux du fort Condé de Mobile, premier ouvrage en maçonnerie que posséderait la colonie.
    Les ursulines recueillirent orphelins et orphelines et organisèrent, en février 1730, le premier carnaval, pour faire oublier aux enfants des colons assassinés les visions d'horreur qui surgissaient encore dans leurs cauchemars. Peut-être se souvenaient-elles que, le Mardi gras 1699, Le Moyne d'Iberville avait retrouvé, dans la brume, la porte océane du Mississippi.
    Quelques jours après le massacre des Français par les Natchez, un Chacta vint avertir le gouverneur : « Tiens-toi bien sur tes gardes, les Chicassa m'ont dit que les Sauvages devaient donner sur tous les quartiers français et les assassiner tous. » Périer n'étant pas Etcheparre, dont tout le monde vouait l'âme au démon, l'avertissement du bon Indien fut entendu. Le capitaine de Merveilleux et ses Suisses furent envoyés sur les deux rives du Mississippi pour

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