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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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famille, épouse d'un artisan rouennais, et deux demoiselles complétaient la population féminine qui devait comprendre aussi quelques Indiennes, compagnes temporaires mais fort prisées des solitaires. Quand M. de La Salle s'éloignait avec un détachement pour sacrifier à sa marotte, la recherche du Mississippi, Joutel, promu commandant du fort, s'efforçait de faire respecter les règles du savoir-vivre et la vertu des dames. Comme on redoutait toujours une attaque des Indiens, les officiers organisaient des concours de tir dotés de prix. Les femmes, qui devaient savoir tenir un fusil, y participaient. Ensuite on buvait, on dînait, on dansait et les flirts allaient bon train, non seulement avec les demoiselles françaises, dont le gynécée ne comportait pas de clôture, mais avec les jolies Indiennes ramenées des randonnées dans la forêt. Le père Anastase Douay était toujours prêt à baptiser les fruits des amours fortuites. Il eut même l'occasion de célébrer le mariage du lieutenant Gabriel Minisme, dit le Barbier, avec une demoiselle de la colonie. Quand le marquis de La Sablonnière, suivant l'exemple de son camarade, demanda la main de la Parisienne, il fut éconduit. Toutes les femmes du fort Saint-Louis connaissaient la nature de la maladie qui minait la santé du libertin !
    D'ailleurs, l'état sanitaire de cette colonie naissante laissait beaucoup à désirer et l'on mourait plus souvent de maladie que d'une flèche indienne. Les séquelles des fièvres et autres maux contractés à Saint-Domingue tuèrent trente hommes en quelques mois, et l'on dut créer un cimetière à proximité du fort. On perdit aussi Legros, le riche négociant rouennais, qui, en dépit d'une amputation pratiquée par le chirurgien Liotot, ne survécut que peu de jours à la gangrène provoquée par la morsure d'un serpent à sonnette. On trouva, dans son bagage, un millier de livres en louis d'or, que M. de La Salle confisqua.
    Les reconnaissances que conduisait inlassablement le chef de l'expédition, parfois à plusieurs semaines de marche du fort Saint-Louis, réservaient de temps à autre des rencontres intéressantes. C'est ainsi que Cavelier identifia un jour, à quinze lieues du camp, les vestiges d'un grand fort abandonné. Entre deux canons rouillés, une poutre portait encore les armes de Castille et une date : 1588. Les Indiens de la région présentèrent aux Français des épées, des lampes, des cuillers, de la dentelle et même des livres trouvés dans les établissements des Espagnols, qui apparaissaient périodiquement et leur cédaient des chevaux. C'est au retour d'une de ces explorations que Cavelier comprit, après une heureuse rencontre avec des Indiens Chaouanon, que pour retrouver le Mississippi tant désiré il fallait faire route à l'est et non à l'ouest. Il comptait donc utiliser la Belle et ses barques pour longer la côte jusqu'à l'embouchure du fleuve, mais, avant qu'il ne parvienne au fort, le bateau offert par le roi coula à la suite d'une manœuvre désastreuse, dirigée par un capitaine d'occasion. Il ne restait plus qu'à marcher jusqu'au delta.
    Une première expédition, partie le 26 avril 1686, fut un échec. Après deux mois d'errance et un séjour chez les Indiens Ceni où, se trouvant à l'aise, quatre soldats désertèrent pour se mettre en ménage avec des squaws, M. de La Salle, ayant échappé de justesse à la noyade, ne ramena au fort que huit compagnons sur les vingt que comptait la troupe au départ. Dominique, le plus jeune des frères Duhault, et un valet nommé Dumesnil avait été tués par les Comanche. Duhault l'aîné rendit Cavelier responsable de ces disparitions. Six autres compagnons avaient succombé à des fièvres récurrentes ou s'étaient égarés, peut-être volontairement… Seul résultat positif de ce voyage, les Ceni avaient accepté d'échanger, contre des haches, cinq chevaux achetés aux Comanche qui les avaient, eux, volés aux Espagnols !
    Rompu de fatigue, découragé, souffrant d'une hernie, sentant autour de lui monter une grogne prête à se muer en haine, constatant que l'on mettait en doute ses capacités et que les gens ne se souciaient plus que de manger et de boire, le chef se fit de plus en plus autoritaire et cassant. Si Joutel et quelques autres appartenaient, comme Cavelier, à la caste des « marche ou crève », la majorité des rescapés, trente-sept hommes, sur les deux cent quatre-vingts embarqués à La Rochelle

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