Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
qu’aveuglés, ils craignent
     quelque lumière que ce soit… Henry se désola. Il était si fier de faire partie
     de l’équipe de Jean Lesage. Si ses amis pouvaient être témoins de la passion qui
     animait la troupe… Surtout celle insufflée par son collègue, René Lévesque. Le
     petit homme avait juré à Henry que le règne de la corruption et des pots-de-vin
     serait chose du passé avec lui. Henry s’arma de patience.
    — Je ne peux pas croire que vous ne voyiez pas tout ce que nous pouvons
     entreprendre, tout ce que nous pouvons devenir... notre système d’éducation,
     notre culture, notre santé… nous accusons tellement de retard, nous, les
     Canadiens français. Nos fils accèdent si peu aux études. Notre langue est
     menacée, nos femmes rabaissées, nos Autochtones n’ont pas le droit de
     vote !
    — Comme si un Sauvage avait la jarnigoine pour la politique. Bateau Henry, faut
     pas pousser ! dit Georges avec dédain. On leur donne tout, tout cuit dans le
     bec, des maisons, des écoles. Ils ont même pas besoin de travailler !
    — Traite ton prochain comme tu veux être traité, rappela le curé
     Duchaine.
    Henry haussa le ton.
    — Vous avez été volés, expulsés de vos terres, tu devrais facilement imaginer
     ce qu’ils ont vécu ! Tous ces barrages de la compagnie, penses-tu qu’il y a
     juste les Blancs qui en ont souffert ? Le relèvement des eaux du lac les a
     touchés aussi, vous savez ! Sans parler des clubs privés américains qui se sont
     approprié leur territoire sacré, leur refusant de chasser ou de pêcher là même
     où ils le faisaient depuis des générations.
    — Ce sont rien que des Sauvages, Henry, répéta Georges.
    — Je me suis rendu plusieurs fois sur la réserve indienne. J’ai rencontré la
     famille de Chapeau.
    — Ah oui ? s’étonna François-Xavier.
    Jamais Henry n’aurait laissé l’Amérindien rôder autour de sa femme et de ses
     enfants sans aller vérifier ce qu’il en était vraiment. Son côté « redresseur de
     torts », celui à la base de sa carrière d’avocat, avait vite pris le dessus en
     découvrant Pointe-Bleue. Il s’était efforcé de comprendre comment tout un peuple
     s’était retrouvé si dépourvu. Il n’avait guère aimé ce qu’il avait entrevu
     là-bas. L’avenir de ces gens s’annonçait très sombre et précaire. Tout un combat
     en perspective afin de redresser les torts immenses commis par les Blancs.
    Plus calme, il reprit :
    — Il y a tellement d’enjeux. Vous verrez, mes amis, nous allons devenir maîtres
     chez nous.
    — On garde les discours pour un autre jour, mon mari, l’interrompit Isabelle en
     venant terminer de desservir la table.
    Julianna, qui suivait, déposa une main sur l’épaule de l’avocat :
    — Avec un homme de valeur comme notre cher ami Henry, l’équipe
     du tonnerre va faire des éclairs ! dit-elle avec fierté. Henry réussit tout ce
     qu’il touche, ajouta-t-elle avec une petite caresse sur la joue du politicien,
     qui le rendit fort mal à l’aise. François-Xavier se renfrogna. Yves Boivin
     ressentit la jalousie lui tordre le ventre. Sept années à se morfondre pour une
     femme mariée, à désespérer, à souffrir… Comment pouvait-elle minauder sans
     aucune retenue ? Julianna s’affichait comme une catin en boisson, une moins que
     rien !
    Cherchant contenance, Henry se leva pour aller enlacer son épouse.
    — En tout cas, ce n’est pas moi qui aurais concocté un si bon repas de fête !
     dit-il en embrassant affectueusement Isabelle. Bravo à la cuisinière !
    — Oui, bravo Isabelle !
    Dépitée, Julianna jeta son dévolu sur son patron. Comme si de rien n’était,
     elle se plaça derrière la chaise d’Yves, laissant sa main sur le dossier frôler
     les cheveux du journaliste.
    — Surtout que ma pauvre épouse ne possède pas l’équipement le plus moderne du
     monde, poursuivit Henry. D’ailleurs, j’ai pris la décision de vraiment rénover
     le chalet. Jean-Baptiste a beau faire des merveilles, il y a une limite à
     rafistoler ! Henry se rassit et s’adressa à François-Xavier :
    — J’aimerais, mon ami, que tu me dessines les plans d’un agrandissement.
    Des yeux, Julianna chercha quelque chose à boire. Il ne restait plus de punch.
     Elle opta pour un coca.
    — Vous pensez à quoi comme changement ? le questionna Jean-Baptiste, très
     intéressé.
    Henry résuma les divers travaux qu’il

Weitere Kostenlose Bücher