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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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seule.
    — Julianna... Il faut qu’on parle.
    Soudain, elle se sentait engoncée dans sa robe. Elle n’avait plus la taille
     fine... Ses bras étaient trop dodus et mous... Elle était ridicule comme ce
     porte-clés clinquant qu’elle avait jeté...
    — Viens, lui dit Yves en l’entraînant vers l’orée du bois où un talus de sable
     formait une petite alcôve.
    L’endroit apportait l’intimité qu’Yves désirait. Couché de
     travers, un tronc d’arbre magnifiquement ouvragé par l’eau et le vent servirait
     de siège au couple. Ce tronc, il avait été coupé, sans ménagement, jeté dans une
     rivière en amont, charroyé par des draveurs. Il avait raté sa tentative
     d’évasion et avait sombré, dormant dans le lit du lac... oublié... avant de
     ressurgir, nu... et de renaître en sculpture de bois, offrant ses stigmates et
     sa beauté inimitable aux regards avertis.
    Du bout des orteils, Julianna jouait distraitement dans le sable. Yves ramassa
     une petite branche morte et traça des arabesques sans signification. Après une
     hésitation, il se lança.
    — Julianna, je m’excuse pour hier... J’ai perdu patience. Tu continues à écrire
     tes chroniques, c’est ben certain. Je ne peux pas me passer du courrier de
     Bella.
    — Charmant propriétaire de journal s’éprend d’une femme mariée... Tu t’es
     inventé toute cette histoire... comme moi je m’en suis raconté aussi. La vie,
     c’est pas un courrier du cœur, Yves.
    Yves jeta son bâton et se releva :
    — Je me suis excusé, Julianna ! Il faut que tu comprennes ! C’est une femme
     comme toi dont j’ai besoin à mes côtés, termina-t-il en revenant s’asseoir près
     d’elle afin de lui prendre les mains entre les siennes.
    — Ton mari ne te mérite pas... ajouta-t-il.
    — Arrête de me répéter cela.
    — Mais je le pense !
    — Tu m’as mise sur un piédestal, Yves. Je ne sais pas pourquoi, mais tu as
     décidé de m’élever au rang de femme parfaite.
    — Tu l’es...
    — Tu mens. François-Xavier m’a connue sous toutes les coutures. Malade, grosse
     de neuf mois, les cheveux sales, enpantoufles, en bigoudis...
     jamais il ne m’a fait sentir moins jolie... au contraire. Dans ses yeux, jamais
     je n’ai vu ce que les tiens m’ont montré tout à l’heure, jamais !
    — Julianna, qu’est-ce que tu racontes ? Moi, je te couvrirais de colliers de
     perles, de diamants, de manteaux de fourrure l’hiver... énuméra-t-il en devenant
     de plus en plus pressant, essayant de la bécoter dans le cou.
    Julianna le repoussa gentiment et lui dit avec la tendresse d’une amie de
     longue date :
    — Toi, tu ne me donnerais pas rien qu’un porte-clés certain...
    — Viens avec moi en Floride, tu n’imagines pas comment je vais te gâter.
    Debout, non loin d’eux, Julianna aperçut son mari. Depuis quand se tenait-il
     là, immobile, à les épier, elle et son patron ? Elle tressaillit. Tous les
     traits de François-Xavier exprimaient la souffrance de les surprendre ainsi.
     Yves ne se rendit compte de rien. De nouveau, il essaya d’embrasser la femme
     qu’il aimait tant, qu’il désirait tant...
    Livide, François-Xavier tourna les talons. Reprenant ses esprits, fermement,
     Julianna repoussa son patron.
    — Ça suffit, Yves !
    — Tu es mariée, je le sais, mais...
    Bouleversée, Julianna se releva, secoua le sable de sa robe.
    — Julianna, je t’aime pour vrai, moi ! lui dit Yves avec emphase.
    Les larmes aux yeux, ne cessant de fixer l’endroit où son mari avait disparu,
     elle répondit, tout bas :
    — Aimer pour vrai... c’est avoir encore plus mal que l’autre quand il souffre
     par ta faute...
    Elle prit une grande inspiration, releva la tête et ajouta d’un ton sans
     équivoque :
    — Je ne viendrai plus travailler au journal.
    Ahuri, Yves la regarda.
    — Julianna… murmura-t-il.
    — Je suis sérieuse, Yves. C’est allé trop loin. Il n’y aura jamais rien entre
     nous deux.
    Il sut que plus rien n’était à espérer. Acceptant la défaite, il dit
     tristement :
    — Tu remercieras nos hôtes pour moi. Je vais passer par le bois pour retourner
     à ma voiture.
    — Yves, attends !
    — Quoi ?
    — Nous resterons amis ?
    — Je ne sais pas si je pourrai…
    — Bella dirait que le temps va tout arranger...
    — Tu l’as dit tantôt, Julianna : la vie n’a rien à voir avec un courrier du
     cœur...

    Chapeau garda longuement

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