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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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manifestaient pas de méchanceté. Son
     grand-père lui avait montré les pistes à contourner, les odeurs à éviter. Mais
     ses aïeux ne l’avaient pas préparé à rencontrer la vraie bestialité, la vraie
     cruauté...
    Un peu avant la brunante, il avait accompagné sa sœur jusqu’à la rivière.
     Agenouillée sur la rive, elle avait dénouéses longs cheveux
     noirs. Rejetant la tête en avant, elle avait trempé sa chevelure dans l’eau
     limpide et glacée. Il s’était éloigné et avait préféré suivre les pistes d’un
     lièvre qui s’enfonçaient dans le bois. Quelle idiotie de vouloir se laver les
     cheveux ! Il n’avait pas vu les trois hommes blancs, trois bûcherons, qui
     avaient surgi en amont de la rivière. L’un était resté sur la berge à scruter
     les alentours tandis que les deux autres avaient attrapé sa sœur, qui n’avait
     pas eu le temps de s’enfuir. Elle s’était débattue et avait crié son nom.
    — Maikan !
    Au loin, l’appel de sa sœur était parvenu à ses oreilles. Tapi derrière un
     rocher, il l’avait ignoré. Il venait juste de trouver le terrier du lièvre. Un
     des bûcherons avait fait taire l’Amérindienne en lui poussant la tête sous
     l’eau, au risque de la noyer. Quand ses forces avaient décliné, sans ménagement
     ils l’avaient couchée par terre. La jeune fille avait toussé et craché. Celui
     resté sur la berge avait ordonné à ses acolytes de bien la tenir. D’une main, le
     plus gros avait attrapé ses poignets et les avait maintenus solidement au-dessus
     de sa tête. Courageuse, l’Indienne avait empli ses poumons d’air et, de toutes
     ses forces, avait appelé de nouveau son frère à l’aide.
    — Maikan !
    Cette fois, le garçon avait nettement perçu la détresse. En courant, il était
     revenu sur ses pas.
    — Je vous ai demandé de la faire taire, pis de ben la tenir, criss ! avait dit
     celui qui donnait des ordres.
    Le premier bûcheron avait appuyé sur la gorge de l’Indienne, l’empêchant de
     respirer. Le deuxième s’était placé de l’autre côté et avait maintenu écartées
     les jambes de leur victime. Satisfait, le chef s’était avancé au pied de la
     fille. En déboulant à la rescousse de sa sœur, Maikan s’étaitimmobilisé à l’orée du bois, figé par la scène qui se déroulait plus loin. Des
     étrangers tenaient sa sœur couchée par terre. Que faisaient-ils ? Le garçon
     connaissait les gestes de l’amour. Quand son père soufflait dans le cou de sa
     mère et que celle-ci ricanait sous la chatouille de la caresse et répondait à
     l’invite en entraînant son mari sous la tente, il savait et restait patiemment à
     jouer dehors. Parfois, quelques grognements le tiraient de son sommeil, la nuit.
     Il se tournait de l’autre côté et replongeait dans ses rêves. Là, dans les actes
     de cet homme qui sortait son sexe de ses pantalons et se penchait sur sa sœur,
     il n’y avait pas d’amour, pas de douceur, pas de respect ! Une terrible colère
     avait grondé en lui. Ne pensant qu’à secourir sa sœur, Maikan s’était rué sur le
     groupe. Son couteau à la main, il avait visé le dos du violeur, mais n’avait
     atteint que l’épaule lorsque celui-ci, par réflexe, s’était retourné vers son
     attaquant.
    — Ostie de tabarnac, avait sacré le bûcheron en se relevant.
    Il avait tâté sa blessure. Celui qui maintenait les jambes avait tout lâché et
     s’était précipité sur le jeune garçon. D’un coup de poing, il avait réussi à
     désarmer l’Amérindien. Sonné, se retrouvant assis par terre, Maikan n’avait pas
     songé à s’enfuir. Au contraire, avec un cri de rage, il avait sauté sur son
     assaillant. Les bras d’acier de l’homme blanc l’avaient encerclé et soulevé de
     terre.
    — Viens m’aider le gros, c’t’un vrai chat sauvage ! avait dit le bûcheron en
     parant les coups de griffes et les morsures.
    Maikan se débattait farouchement. Il n’était pas de taille contre deux
     assaillants. Libérée, sa sœur hoquetait, s’efforçant de faire passer à nouveau
     un mince filet d’air dans ses poumons en feu. Elle s’était mise à quatre pattes
     et avait essayé de ramper.
    Le blessé, atteint à peine d’une écorchure, s’était penché et
     avait ramassé le couteau de son attaquant. La lame était bien affûtée. Il avait
     été chanceux. Il s’était assuré pourtant qu’il n’y avait personne aux

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