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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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Hélène tout contre lui. Puis, tout simplement, à
     l’image de l’amour qui avait grandi entre eux, Hélène et Chapeau se dirent « je
     t’aime ». De la manière la plus naturelle du monde, celle dont les gestes à
     accomplir surgissent depuis la nuit des temps, portant en eux la semence de
     l’éternité. Les yeux au ciel, Hélène souriait béatement. Avec quelle tendresse
     Chapeau l’avait amenée à perdre toute répulsion ! Ainsi, la dureté d’un homme
     pouvait se révéler de la plus grande douceur, le souffle rauque d’un homme
     pouvait devenir une merveilleuse mélodie à notre oreille, le plaisir d’un homme
     pouvait être partagé... L’homme pouvait prendre en donnant. C’était cela, le
     mystère de la vie. Un acte d’amour, à l’opposé de l’imitationhaineuse que son agresseur avait perpétrée sur elle. Du bout des doigts, elle
     caressa le torse de Chapeau. Elle y attrapa le pendentif en forme de croix qui
     avait tangué au-dessus d’elle quelques minutes auparavant. Submergée par un
     sentiment presque insoutenable, Hélène ressentit avec certitude que Chapeau et
     elle venaient de communier à la source divine. Sous le feuillage des arbres,
     Hélène aurait pu rester ainsi à jamais. Grâce à Chapeau, le carrousel d’horreur
     ne lui donnerait plus autant le vertige. Il tournerait de moins en moins vite et
     un jour, un jour, elle le croyait profondément, il cesserait son douloureux
     manège. Ne pouvant contenir toutes ces émotions, Hélène se mit à pleurer. Ne
     sachant comment la consoler, un peu désemparé, l’Indien se contenta de la serrer
     encore plus fort contre lui, lui baisant les yeux, lui caressant les cheveux, se
     demandant s’il était la cause de cette grande tristesse. Quand Hélène fut
     calmée, elle répondit au regard chargé d’inquiétude de son amant.
    — Tu te rappelles-tu de l’été où j’ai été ben malade, v’là trois ans ? chuchota
     Hélène.
    L’Indien tressaillit. S’il s’en souvenait ? Pendant des semaines, il avait erré
     comme une âme en peine autour du chalet à la recherche d’Hélène. Quand, enfin,
     la jeune fille avait réapparu, en posant les yeux sur elle il avait su. Elle
     avait souffert, elle souffrait... L’esprit d’Hélène avait été bafoué. De ses
     bras musclés, il lova son amante tout contre lui. Il l’aimait depuis si
     longtemps… Au village, il refusait de courtiser la moindre fille. Pourtant, même
     avec sa langue coupée, bien des candidates avaient laissé deviner qu’il leur
     plaisait. Quelquefois, il avait été marcher dans la forêt avec quelques-unes,
     mais jamais au point d’avoir envie de sculpter une bague de bois afin de
     l’offrir à l’une d’entre elles, marquant ainsi sa préférence. Hélène était son
     amour.Chapeau respectait le rythme de la nature. On ne change
     pas le cours d’un ruisseau. Il avait attendu qu’Hélène soit prête. Son bonheur
     était immense que ce jour soit arrivé.
    — On a dit à tout le monde que j’étais malade... continua Hélène, c’était pas
     vrai... c’est un homme qui m’a... qui m’a... qui m’a prise de force… finit par
     avouer Hélène.
    Chapeau tressaillit. Non, oh non… La vague de souffrance monta en lui, le
     frappant de plein fouet tandis que le drame vécu dans son enfance lui revenait
     en mémoire. Non, pas Hélène, non… Il n’avait su la protéger… Comme il avait
     échoué envers sa sœur… Les dernières années, il avait cru avoir réussi à oublier
     ce jour d’automne maudit... Petit garçon, heureux, il venait de quitter le
     village de Pointe-Bleue avec sa famille, en route pour leur territoire
     ancestral. La période de chasse allait commencer. Chapeau, de son vrai nom
     Maikan, qui signifie « loup » dans sa langue maternelle, adorait ces mois de
     froidure à suivre son père, qui lui enseignait patiemment les lois de la nature.
     Au tentement, sa mère, sa grand-mère et sa sœur aînée travaillaient fort
     à préparer les peaux que les deux chasseurs rapportaient fièrement. Comme tous
     ceux de sa tribu, il était né dans le bois. La terre rouge avait teinté sa
     chair, la pureté de l’eau des rivières avait clarifié son sang. L’écorce de
     l’arbre avait moulé son berceau. La mousse des rochers l’avait langé. Il ne
     craignait rien dans la forêt, ni l’ourse protectrice, ni le loup rejeté, ni le
     rusé carcajou. Les animaux sauvages ne

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