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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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qu’il
     bénirait à genoux le front, le cou, le ventre de celle qui lui aura fait ce
     don.
    Gertrude se retourna et accueillit son mari dans ses bras, l’enlaçant, écoutant
     avec ravissement les mots d’amour que celui-ci lui murmurait, se délectant des
     caresses qu’il lui offrait à son tour.
    — Les mouches nous ont trouvés, dit Jean-Baptiste en écrasant bruyamment un
     moustique sur ses fesses dénudées.
    Le couple réajusta ses vêtements et rebroussa chemin, ramenant avec lui son
     petit bonheur qui se donnait des airs de roi du monde quand, pourtant, le même
     régnait dans la plupart des foyers.
    Chapeau garda Hélène prisonnière contre lui. Elle ne désirait pas qu’il la
     libère.

    Pensive, Julianna marchait avec vigueur le long de la plage. Les effets de
     l’alcool se dissipaient. Elle s’en voulait d’avoir été déplacée. Une femme ne
     boit pas. Elle espéra qu’elleavait donné le change et que
     personne ne s’était rendu compte de quoi que ce soit. Elle respira à grands
     poumons. Elle avait les idées plus claires. Elle avait conscience de la présence
     de son patron, un peu derrière elle, mais n’avait aucun désir d’entamer une
     conversation avec lui. Yves respectait son silence. Julianna savait que cela ne
     durerait pas. La veille, il l’avait prévenue qu’il viendrait chercher sa
     réponse... Sur le coup, elle n’avait pas saisi. En le voyant, avec les autres
     invités du chalet, crier « surprise », elle avait compris. Il était certain de
     la rencontrer le lendemain... Toute la journée, Julianna avait été mal à l’aise.
     Comment avait-il osé gâcher ce dimanche d’anniversaire ? La colère monta en
     elle. François-Xavier qui lui offrait un simple porte-clés ! Henry qui voulait
     construire un château pour Isabelle, alors qu’elle-même habitait encore dans ce
     minable appartement de la rue Racine ! Et Gertrude qui lui avait fait honte tout
     au long du repas ! Elle mangeait la bouche ouverte, comme une malpropre ! Un
     porte-clés, franchement... Ah, tout allait de travers ! Elle n’avait pu parler
     de son grand projet à Henry. Quant à Yves, il menaçait de lui faire perdre son
     emploi... De toute façon, elle était fatiguée de tenir le courrier du cœur. Tant
     de travail… En plus, elle commençait à drôlement se répéter. Parfois, elle
     reprenait la même histoire, changeait quelques petits détails et la publiait
     ainsi renouvelée. Les lecteurs n’y voyaient que du feu. Tout à coup, Julianna
     s’arrêta. Tout en suivant la rive, elle ne s’était pas rendu compte que le lac
     accusait une longue courbe qui débouchait sur une crique qu’un ruisseau venant
     de la forêt divisait en deux. La brèche était large et inégale, serpentant dans
     le sable fin. Elle hésita à franchir l’obstacle. Il était peut-être temps, tout
     simplement, de rebrousser chemin. Et puis non ! Elle n’avait pas envie de
     retourner au chalet. Relevantsa robe, elle traversa à gué.
     L’eau, peu profonde, offrait une véritable invitation au jeu, à laquelle
     Julianna ne résista pas. Elle se mit à piaffer, s’éclaboussant en riant.
     Décoiffée, les jambes mouillées, elle termina son spectacle d’acrobaties par un
     saut en longueur dont elle rata joliment l’atterrissage. Se retrouvant assise à
     demi sur la plage, à demi dans l’eau, recouverte de sable collé, Julianna
     s’esclaffa. Yves, qui l’avait rejointe, l’aida à se relever. Avant qu’il ne
     puisse dire un mot, de ses pieds elle s’amusa à l’arroser. Yves n’appréciait pas
     du tout ces agissements infantiles. Il cria :
    — Es-tu en train de virer folle, arrête !
    — J’ai envie de m’envoler ! Et de danser ! Danse avec moi, Yves, danse !
     l’implora-t-elle en s’accrochant à son cou.
    — Ma parole, la boisson te fait vraiment pas !
    Sans ménagement, Yves la repoussa.
    — Reprends sur toi, Julianna, lui ordonna-t-il durement.
    Julianna s’immobilisa. Yves la regardait avec mépris, arborant une moue de
     désapprobation, de dégoût presque… marquée par la déception. Elle se sentit
     ridicule...
    Julianna perdit toute trace de joie. Elle baissa la tête de honte. Oui, elle
     devait offrir une bien piètre image. Une femme d’un certain âge qui joue à la
     coquette, qui se conte des histoires, oui, des histoires à dormir debout. Lasse,
     elle soupira.
    — Yves, laisse-moi toute

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