Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
Jeanne-Ida.
    Contrarié, Bernard se jeta par terre, tapant du pied, hurlant à
     la mort. Son père s’agenouilla près de son fils et d’une voix douce mais ferme
     lui dit :
    — Tu sais, Bernard, que ça sert à rien. Tu peux te mettre la tête en bas, te
     rouler partout, pleurer, donner des coups de pied, t’arracher les oreilles, ça
     changera rien... Alors choisis : tu continues ta crise ou tu viens manger le
     déjeuner que papa va faire pour que maman se repose ?
    Bernard se calma instantanément. Jeanne-Ida sourit. Elle mit les mains sur son
     ventre de femme enceinte. Elle avait senti son bébé bouger pour la première
     fois.
    — Tiens, lui aussi montre son p’tit caractère, dit-elle.
    Jean-Marie revint l’enlacer.
    — Si c’est une fille, je vais être content. Mais un petit frère pour Bernard,
     ça serait bien.
    — Oh, tout un duo en perspective !

    En train de rédiger une lettre, concentrée, Mélanie n’entendit pas son mari
     entrer dans la chambre. Elle sursauta quand il lui mit une main sur
     l’épaule.
    — Excuse-moi, je voulais pas te faire peur. À qui tu écris ?
    — À Jeanne-Ida… pour l’informer de... tu sais quoi.
    — Aimes-tu mieux rester tranquille ?
    — J’avais fini. Tu veux ajouter un mot pour ton cousin ?
    Pierre hésita.
    — Ben, peut-être que tu peux leur annoncer qu’on quitte la Gaspésie…
    Mélanie laissa tomber son crayon et se retourna vers son mari.
    — Comment ça ?
    — Papa dit que j’vas pouvoir travailler dans la compagnie de
     construction de Jean-Baptiste. J’aurais un bon salaire pis tu pourrais te
     refaire une santé…
    — T’es sérieux, Pierre ? On s’en irait… pour de bon ?
    — Maman dit que t’es malheureuse ici…
    Mélanie soupira.
    — Non, Pierre. Ta mère a pas raison. Je suis pas malheureuse... C’est juste que
     notre bonheur est plus à L’Anse-à-Beaufils, je le sens… Les miens me manquent,
     Pierre. Y a peut-être pas d’océan à Normandin ni d’agates ni de baleines, mais
     il y aurait des soupers du dimanche en famille, le temps des Fêtes entre
     cousins… Je veux pas que Dominique grandisse tout seul. J’aurai jamais d’autres
     enfants… dit Mélanie en recommençant à pleurer.
    Pierre s’agenouilla à ses pieds et prit ses mains dans les siennes. Il la
     consola.
    — Chut, Mélanie, c’est pas vrai. Tu vas être plus en forme. Dominique aura une
     petite sœur, je suis certain.
    La tristesse envahit le visage de Pierre.
    — J’te demande pardon, Mélanie… murmura-t-il.

    — Pour vous parler de Patrick, je vais commencer par mon histoire.
    François-Xavier sourit à Miss Harrington. Côte à côte, ils marchaient lentement
     le long de la grève.
    — Je viens d’une famille très riche. Jeune fille, j’ai passé tout mon temps à
     m’amuser. C’étaient les années folles, les années vingt. Je me suis mariée très
     tard, trop tard... L’attention de l’Américaine fut attirée par une petite roche.
     La femme se pencha et la ramassa.
    — C’est une agate, dit-elle avant de reprendre son récit.
    Quand Timmy est né, les docteurs ont dit que j’avais enfanté un monstre. Mon
     mari a voulu s’en débarrasser. J’ai pris tout l’argent que j’ai pu, les bijoux,
     l’argenterie et je me suis sauvée avec mon fils. Ma fuite m’a amenée ici.
    — Quelle épreuve pour une femme seule !
    — Patrick O’Connor était mon voisin. J’ai espéré… avec lui… mais il avait connu
     un grand amour. Sa Joséphine... Sauf qu’il s’en était rendu compte après l’avoir
     perdue. C’est ainsi. Souvent, on chérit la perte plus que l’avoir. Patrick was a devil. Un merveilleux devil.
    — Un quoi ?
    — Un diable d’homme, je veux dire. Un diable roux... Colérique, il se mettait
     tout le monde à dos. Il se drapait de sa nationalité irlandaise comme d’un
     étendard. Je crois que c’est pour cela qu’il m’aimait bien, parce que j’étais
     américaine, une étrangère, comme lui. Timmy l’adorait et le suivait partout. Un
     jour, un riche Anglais d’Ottawa a loué les services de Patrick pour une sortie
     de pêche en haute mer. Apparemment, l’Anglais n’était pas très enthousiaste que
     Timmy monte à bord. Ils sont revenus bredouilles. Le touriste a accusé Timmy de
     leur avoir porté la poisse, because he was, you know… débile.
    — C’était ridicule.
    — L’Anglais a frappé Timmy, l’injuriant. My son was

Weitere Kostenlose Bücher