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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sackville-West
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Et vous n’en avez rien dit ? Puis-je vous demander d’où vous les tenez ?
    — La poste. Anonyme.
    — Alors ? Qu’allez-vous faire ?
    — Cela dépend de vous.
    — De moi ? Voulez-vous que je vous dise que ce sont des faux ?
    — Non. Ce ne sont pas des faux.
    Le papier à lettres de Chevron était ouvert sur la table et les mots ardents s’y succédaient, écrits de la main de Sébastien.
    — Allez-vous divorcer, George ?
    Une idée absurde la fit penser aux Templecombe.
    — J’ai longtemps réfléchi. J’ai d’abord pensé que je divorcerais ; mais ce serait un affreux scandale. Je ne crois pas que je pourrais y faire face. De plus, je déteste que nos affaires soient livrées au public ; quel terrible exemple ! J’ai donc décidé de ne pas divorcer si vous faites ce que je veux.
    — C’est-à-dire ?
    — Vous devez bien le savoir.
    — Renoncer à Sébastien ?
    — Naturellement.
    — Mais, George, dit-elle, effrayée par la dureté de son regard, épouvantée devant cette catastrophe soudaine, essayant désespérément de trouver un compromis, comment pourrai-je ?… C’est une chose impossible… Je le rencontrerai partout… Et que dirai-je à Lucie ? Je puis vous promettre qu’il n’y aura plus… rien entre nous ; mais comment puis-je cesser de le voir ?
    — J’ai pensé à tout cela. Nous fermerons cette maison et nous irons vivre à Wymondham. Vousavez eu vingt ans de cette existence. Je l’ai supportée pour vous faire plaisir ; à présent, vous supporterez Wymondham pour me faire plaisir.
    — Oh ! Dieu ! vous ne me laissez pas le temps de réfléchir ! Cela ne vous suffira-t-il pas si je vous jure qu’il ne sera plus mon amant ?
    Lord Roehampton ne répondit pas ; il regarda Sylvia avec une expression de haine et de mépris.
    — George… La punition serait assez forte… Je l’aime.
    — Laissons cela, je vous prie ; je ne tiens pas à connaître vos sentiments.
    — Ne voulez-vous pas savoir non plus ce que je penserai de vous si vous me brisez le cœur et si vous m’emprisonnez à la campagne ? Quel genre de vie croyez-vous que nous aurons ensemble ? Nous serons polis devant les domestiques et devant Margaret, mais, intérieurement, je vous haïrai. Je vous en prie, George, soyez généreux, et vous ne le regretterez pas… Laissez-moi le conserver comme ami…
    — Sylvia, comment osez-vous me faire une proposition aussi naïve ? Cela me montre combien vous êtes frivole et irresponsable… Vous parlez comme si vous étiez une enfant et non ma femme. Je vois, poursuivit-il, tous ses griefs lui revenant à l’esprit, que vous n’appréciez guère ma générosité.
    Et il se prit pour l’être magnanime qu’on méprise au lieu de l’accueillir avec des larmes de remords et de reconnaissance. Toute la solennité pompeuse qui dormait en lui se réveilla soudain lorsqu’il crut que Sylvia cherchait à le mettre dans son tort.
    — Pas un homme, continua-t-il, n’aurait agi comme moi ! Tout autre vous aurait mise à la porte. Et au lieu de me remercier, au lieu de vous traîner à mes genoux, vous osez discuter avec moi, vous osez me demander d’autres faveurs !
    — Vous êtes un mari du temps de Victoria ! s’écria-t-elle, s’emportant à son tour.
    — Oh ! nos points de vue diffèrent légèrement, je le sais… Je n’ai jamais été très moderne, sans doute, je vous ai laissée vous amuser sans croire que vous me rendriez ridicule, et, maintenant que je vous ai démasquée et que je vous ai proposé l’offre la plus généreuse qu’un homme dans ma situation pouvait vous faire, vous m’accusez de vous traiter sans égards…
    — Que d’histoires, mon Dieu ! fit Sylvia, essayant de changer de ton. À vous entendre, on croirait que vous avez passé votre vie dans un cloître. Ignorez-vous la vie des gens ? Vous ne refusez pas d’aller à Chevron parce qu’Harry Tremaine est l’amant de Lucie ; vous ne refusez pas de dîner avec… (Ici, elle cita un nom très auguste.) Alors pourquoi, lorsqu’il s’agit de moi. vous conduisez-vous comme si nous étions en 1850 ? Parce que je suis votre femme ?
    À la voir imiter son ton pompeux, lord Roehampton fut pris d’une véritable colère physique, d’une exaspération semblable à celle que l’on ressent lorsqu’on se cogne le coude ; il la saisit aux poignets, la secoua violemment et la jeta sur le lit. Brisée, haletante, elle le regarda avec une

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