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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sackville-West
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très souvent, reprenait Thérèse, qui ne s’écartait jamais de la vérité ; en tout cas, une fois par an. John et moi, nous avons été invités un jour, quand l’évêque apprit que nous étions à Dorking…
    — Alors ? dit Sébastien en la regardant, vous êtes-vous amusée ?
    — Ce fut terrible, terrible ! dit Thérèse, se cachant soudain le visage dans les mains.
    — Racontez-moi ça, dit Sébastien.
    — Maud a perdu une boucle de cheveux, dit Thérèse, en le regardant avec des yeux ronds.
    — Perdu une boucle de cheveux ?
    — Oui, elle est tombée dans son potage. Des faux cheveux, vous comprenez ? Oh ! ce fut épouvantable. Je ne savais où regarder. Je n’ai jamais été à l’aise avec l’évêque depuis. Imaginez-vous qu’il s’est mis à rire. Au lieu de regarder ailleurs et de faire semblant de n’avoir rien vu, il a ri. Quel manque de tact ! C’est vrai qu’il est célibataire…
    — Et qu’a fait Mme Tollputt ?
    — Oh ! elle, ce fut pis encore. Elle a repêché sa boucle et l’a tenue au-dessus de son assiette, toute ruisselante. Elle trouvait cela très drôle et n’avait pas du tout honte.
    — Je trouve qu’elle a agi avec beaucoup de bon sens.
    — Quelle horreur ! Prendre ainsi le parti de Maud ! C’est vrai que j’ai bien tort de vous raconter toutes ces histoires de faux cheveux…
    — Parce que je suis célibataire, comme l’évêque ? Parlez-moi encore de Mme Tollputt. Quand pourrais-je la revoir ?
    — Vous vous moquez de moi, et c’est très mal. Parlez-moi de vous, plutôt. Comment se sent-on quand on est comme vous ? Êtes-vous heureux d’être vous-même ?
    — Oui, quand vous me permettez de venir prendre le thé chez vous. Autrement, je ne suis pas plus heureux qu’un autre. Pourquoi le serais-je ?
    Mais Thérèse était prudente et ne répondit pas. Leur amitié n’en était qu’à ses débuts, et elle étouffait beaucoup de choses qu’elle aurait pourtant voulu dire à Sébastien, parce qu’on lui avait appris qu’il ne fallait pas être familière avec les jeunes gens si onvoulait se faire respecter d’eux. Sébastien savait qu’il n’obtiendrait rien d’elle sans se déclarer, mais il n’était pas pressé de le faire, sachant aussi que cette période d’attente était la plus précieuse. Il était donc pleinement heureux de s’attarder sur le divan de Thérèse et d’écouter son babillage. S’il se demandait parfois ce que pensait son mari, il ne l’interrogeait jamais à ce sujet. C’était à elle de régler cette question. Il ne savait même pas si le docteur était au courant de ses visites.
    — Pourquoi aimez-vous venir ici ? lui demanda-t-elle un jour, vous qui pouvez aller partout et rencontrer tout le monde ?
    Il la regarda, surpris, et vit qu’elle était sincère ; c’était là un de ses charmes ; elle ignorait les phrases à double entente.
    — Seriez-vous étonnée d’apprendre que je préfère votre compagnie ?
    — Très étonnée… Je ne vous l’ai jamais dit, mais je vous ai vu une fois à l’Opéra. Je vous ai vu dans la loge de lady Roehampton.
    Sébastien se leva et marcha vers la fenêtre.
    — Dans la loge de lady Roehampton ? Ce soir-là ? Le soir de Tristan ? Mais comment saviez-vous que c’était lady Roehampton ?
    — Tout le monde la connaît de vue, n’est-ce pas ?
    — Probablement. Et alors ?
    — Eh bien ! vous ne pouvez pas préférer ma compagnie à celle de lady Roehampton.
    — Ma chère madame Spedding, vous ne savez absolument rien de lady Roehampton.
    Thérèse sentit que c’était une gifle. Elle n’aurait pas dû parler des amis de Sébastien. Évidemment, elle était pour lui quelque chose de tout à fait différent, et, le cœur serré, elle abandonna l’espoir d’être jamais invitée à Grosvenor Square. Il se tenait auprès de la fenêtre et regardait tristement dans la rue.
    — Je suis désolée, dit-elle, allant vers lui, vous avez raison, je ne sais rien de lady Roehampton ; mais elle est si belle, n’est-ce pas ? Et je suis sûre qu’elle est très brillante… Je me demandais seulement qu’est-ce que vous pouviez trouver en moi, vous qui êtes habitué à des gens comme elle.
    Sébastien ne savait s’il était irrité ou ému de tant de modestie. Thérèse vit ses lèvres entrouvertes, ses yeux pleins d’anxiété ; alors, il lui sourit. Il était sur le point de lui avouer que moins elle en saurait sur lady

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