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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sackville-West
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Roehampton, mieux cela vaudrait, mais une loyauté rétrospective envers Sylvia l’en empêcha.
    — Ne vous tourmentez pas, dit-il. Je vous assure que ces gens cesseraient vite de vous attirer si vous les connaissiez comme je les connais. Parlons d’autre chose. Tous mes amis se ressemblent comme des morceaux de sucre.
    — Quel jeune idiot ! pensa Thérèse. Ne voit-il pas que je meurs d’envie de les juger par moi-même. Ne voit-il pas que je gâche ma vie, ma beauté, et mes talents, au milieu de docteurs, d’avoués et de leurs femmes ? Des gens de valeur, sans doute ; mais je suis née pour quelque chose de mieux. Qu’on me donne seulement l’occasion de le prouver !
    La stupidité de Sébastien la mettait hors d’elle-même, mais un mélange de honte et d’habileté l’empêchait de se trahir. Elle ne pouvait pas lui dire franchement :
    — Présentez-moi à vos amis.
    Non, même sous prétexte d’aider John, c’était impossible. Aussi, tournait-elle autour de la question, ne se doutant pas que Sébastien lisait clairement en elle et qu’il prenait un malin plaisir à la taquiner, lui tendant un délicieux appât, puis le retirant brusquement lorsqu’elle s’avançait, les mains tendues, pour le saisir.
    * * *
    — À propos, dit-il à sa mère, qui est-ce qui vient à Chevron, à Noël ?
    Lucie dévida une longue liste de noms.
    — J’ai invité deux amis.
    — Très bien, chéri. Qui donc ?
    — Un docteur et sa femme.
    — Un docteur, Sébastien ? Où avez-vous bien pu rencontrer un docteur ?
    — Ce sont les gens qui m’ont ramassé quand je me suis foulé la cheville.
    — Mais, chéri, est-ce qu’ils seront à leur place au milieu des autres ?
    — Non, pas du tout.
    — Alors, quelle drôle d’idée ! Vous savez comme la moindre chose peut gâter une réunion. Pourquoi ne les invitez-vous pas un autre week-end  ?
    — Mais ça n’irait pas du tout. La dame veut voir ce que je la soupçonne d’appeler « le grand monde ».
    — Oh ! ciel, Sébastien ! Une vulgaire petite snob ?
    — Une snob, oui ; elle est dévorée de snobisme, mais elle n’est pas vulgaire. Elle est, au contraire, extrêmement correcte. Et elle est très jolie.
    Lucie soupira.
    — Et le docteur est un très chic type, calme, plein de bon sens, un peu ironique, cheveux grisonnants ; il tire sur sa pipe en regardant les gens.
    — Est-il snob, lui aussi ?
    — Oh ! pas du tout. Je crois que le snobisme de sa femme l’amuse autant qu’il m’amuse. Enfin, ils vont venir, et il faudra être aimable avec eux. Je vous promets de vous débarrasser de la dame presque tout le temps.
    — Sébastien, soyez prudent. Vous allez affoler cette pauvre petite, et puis vous vous en fatiguerez et vous la laisserez tomber. Voyons, réfléchissez… Dites-leur que la maison était déjà pleine… Toute excuse sera bonne… Ce sera plus gentil…
    Sébastien éclata de rire.
    — Voyons, maman, vous savez parfaitement que vous ne pensez pas à Mme Spedding ou à son désespoir. Vous pensez tout simplement que ces gens-là vont être très ennuyeux.
    — Et ils le seront. Enfin, vous êtes ici chez vous et vous agissez toujours sans prendre la peine de me consulter. À moi tout le mal, à vous tout le plaisir. Je suis votre gouvernante et voilà tout…
    La duchesse continua sur ce ton, s’emportant de plus en plus ; mais, voyant que Sébastien se contentait de la regarder avec ironie, elle partit exhaler sacolère auprès de la fidèle Wacey. Viola et Sébastien demeurèrent seuls.
    — J’adore maman, Viola ; elle est si transparente ! Vous, du moins, vous aimerez Mme Spedding…
    — Maman oublie que tous les gens qu’elle a déjà invités sont ses amis et non les vôtres.
    — Oh ! elle a une mémoire commode. Qui est-ce ? Sir Adam, Julia Lewison, les Templecombe ? En tout cas, ils amuseront Mme Spedding.
    — Et vous, ils ne vous amusent pas ?
    — Est-ce qu’ils vous amusent ?
    — Moi ? ils me dégoûtent.
    — Moi aussi.
    Le frère et la sœur se trouvaient rarement seuls, et quand ils étaient ensemble, ils se parlaient à peine, ou ne se disaient que des choses banales. Viola était toujours prête à se rapprocher de son frère, mais elle répugnait à forcer une intimité qu’il ne lui livrait pas le premier. Aujourd’hui, Sébastien avait envie de parler ; d’abord parce qu’il aimait beaucoup Viola, et qu’il était soucieux de connaître sa

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