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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sackville-West
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mépris instinctif pour le vulgaire. Là, comme dans la vie, iln’y avait pas de compromis possible. Seulement, Phil n’était pas sentimentale et Sébastien souffrait de cette brutalité intrépide.
    — Mais j’aime la vérité, protestait Phil ; les faits sont des faits, pourquoi les dissimuler ?
    Oui, les faits étaient des faits pour elle, comme les jeunes pousses étaient des jeunes pousses pour le vieux Turnour, les soldes d’hiver pour Mme Tollputt, la réputation pour Sylvia.
    — Vous ne m’aimerez pas toujours, ajoutait-elle. Aussi, vaut-il mieux que j’en prenne mon parti dès maintenant. Moi non plus, je ne vous aimerai pas toujours, bien qu’aujourd’hui je sois prête à le croire. Vous et moi, nous sommes aussi différents que craie et fromage.
    C’était là une de ses phrases favorites, stéréotypées, qui contrastaient si étrangement avec sa nature indépendante.
    — Un jour, j’aimerai quelqu’un comme moi ; alors, je me cramponnerai probablement à lui jusqu’à ma mort. Je vous aime, mais vous n’êtes pas de ma sorte. Vous m’aimez, mais je ne suis pas de votre sorte. Nous n’y pouvons rien. Pourquoi se lamenter ? Pourquoi ne pas jouir du présent ? Nous serons peut-être morts demain ; il peut y avoir une guerre, ou un tremblement de terre, ajoutait-elle vaguement. Personnellement, ça m’est égal de vivre ou de mourir. Et vous ? Ce que j’aime par-dessus tout, c’est rouler à côté de vous dans votre voiture de course ; alors, j’ai l’impression qu’on pourrait se casser la tête à tout instant. Je crois qu’on n’aime vraiment la vie que dans le danger. En attendant, je vous aime plus que tout au monde,disait-elle, l’entourant de ses bras, et cela me suffit ; au moins, j’ai l’impression d’exister, comme un arbre, une pierre, d’être quelque chose que l’on voit, que l’on touche, une chose qui n’est pas seulement dans notre imagination. Peut-être que demain il n’y aura plus rien ; aujourd’hui, c’est là, là, disait-elle, en le serrant plus fort et appuyant sur le mot, comme si quelque terreur superstitieuse lui soufflait de saisir au vol la minute qui s’enfuyait.
    Sébastien était ivre de joie ; il adoptait les idées de Phil, les expressions de Phil. Les choses qu’il avait jugées importantes, elle les balayait comme des toiles d’araignée. Elle se moquait de sa ponctualité et de ses « obligations sociales ». Si Sébastien avait des rendez-vous, elle l’obligeait à s’excuser ; au lieu d’aller dîner chez des « dames », il emmènerait Phil à Kew ou à Richmond. Au début, tel était son enthousiasme qu’il se plaisait à cette école buissonnière, la regardant comme un défi, une insolence. Il aimait d’autant plus Phil qu’elle parvenait à le faire agir contre ses principes. Sylvia n’avait jamais été capable de lui faire faire ce qu’il ne voulait pas ou de l’empêcher de faire ce qu’il voulait.
    Mais, au bout d’un certain temps, la désinvolture de Phil commença de l’irriter. L’habitude de la courtoisie était profondément enracinée en lui. De plus, il aimait l’ordre. Quand il avait un plan, il aimait s’y tenir ; les méthodes écervelées de Phil le prenaient trop souvent à rebrousse-poil. Enfin, le désordre extrême de sa vie finit par le choquer. S’il arrivait chez elle à quatre heures de l’après-midi, il la trouvait encore devant son breakfast , au milieu des assiettes sales de la veilleet d’une épaisse couche de poussière. Phil ne parvenait pas à comprendre sa répugnance.
    — Vous êtes si correct ! lui jetait-elle.
    Pour elle, on mangeait quand on avait faim, on dormait quand on avait sommeil, on s’habillait quand on en avait envie, on veillait toute la nuit si cela vous plaisait, on jetait les lettres au feu si on n’avait pas envie d’y répondre, on mettait les gens à la porte si on avait assez d’eux.
    — Allez-vous-en maintenant, l’entendait-il dire à ses amis ; je vous ai assez vus.
    Il lui en faisait le reproche ; elle lui répondait, avec une sincérité parfaite, que ses amis ne s’en formalisaient pas. C’étaient des gens comme elle et qui la connaissaient.
    La façon dont Phil le traitait devant ses amis le mettait mal à l’aise ; il avait été habitué à fréquenter des gens qui, quelle que soit leur vie privée, se tenaient correctement en public. Quand il était avec Sylvia, nul n’aurait pu soupçonner qu’il y

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