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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sackville-West
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déclarer à Viola que je me désintéressais complètement d’elle, mais Sébastien a pris son parti. Dieu sait ce qu’elle fait à Londres et quels gens elle fréquente ! Il n’y a plus de décence, plus de respect de soi-même ! Sébastien a des théories extravagantes et déclare que les gens sont plus sincères vis-à-vis d’eux-mêmes. Tout ce que je puis dire, c’est que nous n’étions peut-être pas sincères, mais que nous savions, du moins, nous conduire.
    — En tout cas, vous devez vous estimer heureuse d’avoir beaucoup d’argent, dit Mme Lewison, avec l’amertume qui perçait toujours dans sa voix quand elle parlait des fortunes d’autrui.
    — Pour le moment, peut-être, mais on se demande combien de temps on pourra le garder. J’entends courir des bruits terribles. Sébastien est complètement fou. Aussi fou que Viola. Il veut entrer dans le parti socialiste. Un duc socialiste ! Avez-vous jamais entendu chose pareille ? Si nous ne nous unissons pas pour soutenir nos intérêts, où irons-nous ? C’est ce que je lui ai dit. Mais Sébastien a toujours été bizarre. Vous rappelez-vous ces heures terribles, il y a deux ans, où il nous menaçait d’épouser la fille du concierge ? Je n’ai jamais su s’il en avait vraiment l’intention. Et je viens d’apprendre que, dernièrement, on le rencontrait partout avec un petit modèle de Chelsea…
    — Plus vite il sera fiancé, mieux ça vaudra, déclara Mme Lewison.
    — C’est mon avis. Je suis sur des charbons ardents chaque fois que cette fille est à la maison… Quand Sébastien entre dans ma chambre, je l’interroge du regard, mais il se jette sur le sofa et lit le Tatler. Cependant, il a invité Alice trois week-ends de suite.
    — Et il faut que vous supportiez les parents, ma pauvre Lucie !
    — Eh oui ! Oh ! ils ne me donnent pas grand mal. Lord O… parle à Sébastien de ses fermes. Et lady O… m’amuse. Elle est partagée entre le désir de voir sa fille épouser Sébastien et son mépris de nous tous. Elle s’efforce tellement d’être polie, et à contre-cœur, que ça se voit. Elle ne connaît que la race des Wexford et des Porteviot.
    — Oh ! Lucie, vous êtes impayable 1 . Mon Dieu, cela me rend si triste de penser combien le pauvre roi aimait vos plaisanteries ! En tout cas, il n’y a pas de raisons pour que les fiançailles ne soient pas annoncées immédiatement. Évidemment, il y a le couronnement ; mais des fiançailles n’attendent pas les couronnements, n’est-ce pas, Lucie ?… Il restera encore beaucoup de temps (Mme Lewison voulait dire : avant la fin de la saison) pour le mariage. Le couronnement n’a lieu que le 22 juin. Cela serait charmant si vous pouviez les marier, mettons, dans la première semaine de juillet.
    Lucie pensait aussi que ce serait charmant. Mais il fallait que Sébastien se décidât. Une demande en mariage muette, et une demande avouée, ce n’est pas la même chose. Lucie, avec ces vagues craintes quiétaient dans l’air et sa détresse devant la désagrégation de son monde, sentait qu’elle donnerait beaucoup pour régler ses affaires de famille. Elle avait toujours vécu avec l’appréhension que Sébastien ne fît quelque mariage excentrique ou ne se jetât définitivement dans une liaison sans issue ; aussi l’arrivée d’Alice était-elle comme la vision d’un fauteuil confortable.
    Évidemment, Sébastien ne semblait pas très ardent, mais, quand Alice était à Chevron, il s’occupait d’elle, l’emmenait faire des promenades à pied ou à cheval, lui permettait de jouer avec les petits de Sarah et d’Henry, trouvait qu’elle était « bonne pour les chiens » et la consultait au sujet du nouveau golf qu’il projetait de faire aménager. Lucie ne pouvait supposer que l’intérêt qu’il portait à cette fille douce et insignifiante eût une autre raison que le désir de l’épouser. Comme miss Wace, elle ne croyait pas que Sébastien fût amoureux.
    Elle se raccrochait à Sébastien comme au seul espoir qui lui restât dans la vie. Elle commençait à sentir son âge, et les choses de sa jeunesse s’effritaient autour d’elle. Les valeurs étaient changées. Viola, par exemple, Viola qui, jusqu’en 1906, s’était laissé conduire dans le grand monde, en 1910 s’était révoltée. Au cours d’une inoubliable soirée à Chevron, elle avait annoncé qu’elle avait loué un appartement à Londres.
    — Vous m’avez

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