Avec Eux...
restées là , tétanisées, persuadées quâon allait mourir dans lâheure et que, tant quâà mourir, il valait mieux ne pas finir dévorées par un félin gigantesque mais plutôt périr gelées dans une réserve frigorifique⦠On a attendu, un temps interminable, et puis les gens de lâéquipe de tournage sont revenus. Ilsnous ont cherchées partout, on les entendait nous appeler par nos prénoms, mais on ne répondait pas parce quâon pensait que le lion était toujours là et que, en les attirant jusquâà nous, on les mettrait en danger. Et puis nous avons fini par donner des coups dans les parois du réfrigérateur géant et quelquâun est venu nous ouvrir la porte. Le lion était parti, il ne sâétait rien passé, mais on a eu la peur de notre vie, et on a pris le plus grand risque de notre existence ce jour-là .
Â
Aujourdâhui, les lions ne me font plus peur, parce que Nicolas mâa appris à les « apprivoiser » et parce que jâen ai rencontré très souvent, avec lui, dans des cadres improbables quand nous étions au Zimbabwe, par exemple. Nous avions dormi au bord du fleuve Zambèze, dans des sacs de couchage, non loin des chutes Victoria. Le matin, on entendait ces ronronnements terrifiants, et Nicolas me disait toujours de ne pas bouger : on était entourés de lions⦠Je lui murmurais quâon allait se faire dévorer tout crus, et il me répondait sur le même ton, dénué de la moindre nuance de panique : il ne fallait pas bouger, les lions allaient prendre notre nourriture, ils allaient lécher tout ce qui était autour⦠Câest ce quâils ont fait, effectivement, mais quand même, un sac de couchage ce nâest pas bien épais, et on sentait à travers le Nylon la chaleur du fauve. Par chance, quand les lions nâont pas faim, ils nâattaquent pas lâhomme. En revanche, sâil y a du sang, ils sâapprochent et leurs intentions peuvent être moins amicales.
Les lions sont plutôt calmes en réalité, je ne dis pas quâil faut aller les caresser sous le menton, mais ils sont assez tranquilles dans leur savane. Ce sont les lionnes qui sont dangereuses, puisque ce sont elles qui chassent.
Jâai assisté, dans un autre pays dâAfrique australe, cachée dans un bateau sur une rivière, à la chasse dâune famille de lions où le mâle attendait tranquillement que la lionne saute sur les proies, des antilopes, pour lui livrer son repas tout chaud. Câest un spectacle unique, extraordinaire, on est habité à la fois par la peur, par la beauté, par lâesthétisme, et lâon est pleinement conscient quâon vit un moment unique, la découverte dâanimaux dans leur biotope, quelque chose que nos enfants ou que nos petits-enfants ne verront peut-être plus jamais.
Â
Depuis ces tournages, et jâai dû en faire quarante ou cinquante, je nâai plus peur des animaux sauvages, je crois même que, si jâavais vécu en Afrique, jâaurais fini par vivre avec eux. Jâai pu observer leur comportement sur le long terme et apprécier toutes les espèces, sauf le crocodile qui est quand même quelque chose dâépouvantable ! Jâai vu sur le bord du Zambèze un crocodile emporter quelquâun qui faisait un safari-photo. Le crocodile vous attrape, mais ne vous dévore pas comme un requin, il vous emporte au fond et vous laisse pourrir dans sa mâchoire, il ne vous croque que lorsque vous êtes en liquéfaction. Donc vous vous noyez dans la gueule du crocodile sâil a plongé, ou vous agonisez sur le rivage, entre ses dents. Certaines victimes, qui ont été prises par des crocodiles et qui ont été sauvées par des amis, racontent cette agonie. La bête entrouvre parfois ses mâchoires terrifiantes, et si vous avez beaucoup de chance, vous pouvez en sortir, mais vous êtes déjà en principe à moitié mort. Câest la seule espèce que lâon peut définitivement redouter, parce que sa violence est extrême. Lâautre animal tout aussi peu sympathique, câest lâhippopotame. Tout près des chutes Victoria, il existe un endroit où les gens viennentpasser des vacances exotiques dans des petits cabanons, au milieu de nulle part. Il y a là une
Weitere Kostenlose Bücher