Avec Eux...
hutte qui servait de cuisine communautaire, et on utilisait une petite barque pour aller de cet endroit jusquâà notre cabanon. Un jour, avec Nicolas, lors de ce court trajet domestique, notre embarcation a été soulevée par un hippopotame. Lâhippopotame est aussi dangereux quâimprévisible. Soit vous tombez à lâeau et il vous mange, inutile de chercher à comprendre, soit il vous néglige et puis câest tout. On a eu cette chance, jâétais avec Patrick Poivre dâArvor, Nicolas Hulot, et mon amie Anne. Après avoir vécu cela, on nâa jamais osé retourner dans notre cabanon pour dormir, on a attendu le petit matin pour le faire !
Ce sont des moments uniques, même si on peut, à lâoccasion, risquer sa vie. Câest sans doute pour cela que la politique ne doit pas faire peur à Nicolas. Les vrais requins ne sont pas ceux-là .
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Je ne suis pas allée sur tous les tournages, mais Nicolas voulait que je vienne pratiquement à chaque fois, ce qui était extrêmement compliqué parce que jâétais directrice artistique de TF1, et je nâavais pas quâ Ushuaïa à gérer. Il fallait que je fasse coïncider ses tournages et mon propre emploi du temps, mais aussi ma propre capacité à travailler dans ces deux cas de figure.
Je partais le vendredi matin à six heures pour arriver à lâautre bout du monde, à Chibougamau ou dans la baie dâAlong, pour vivre un tournage, rester une journée et demie, puis me retaper quarante-huit heures de vol et arriver toute fraîche et lâesprit affûté en comité exécutif, avec Patrick Le Lay et Ãtienne Mougeotte, pour parler de parts de marché. Telle a été ma vie pendant au moins quatre ans. Comment ai-je réussi ce pari ? à la minute où jâécris, je nesais pas. Câétait le grand écart, le 360 degrés permanent. Mais finalement, nâest-ce pas pour cela que jâai réussi mes différents défis télévisuels ? Je pense que câest parce que je me frottais à des cultures si fortes, si lointaines, où les codes sont si différents de ceux qui sont les nôtres ici, en Occident et dans les médias, que, dans les réunions de travail ou dans les comités exécutifs, jâavais cette distance par rapport à lâexcitation des gens. Jâavais dâautres repères, jâavais dâautres peurs et dâautres exigences.
Mon travail, mon job, était dâêtre directrice artistique dâune chaîne de télévision qui ne pouvait pas se permettre de faire moins de 35 % de parts de marché. Et à cette époque, comme jâétais la protégée de M. Bouygues, qui mâavait confié jusquâà 70 % de la grille de TF1, jâavais intérêt à être à la hauteur. Sur mon simple avis et celui dâÃtienne Mougeotte, on disait banco pour un programme. Il mâest arrivé dâêtre en jet lag complet dans des réunions, et de puiser en moi la force de trouver quand même les mots, les idées et les décisions. Jâai cette chance dâavoir des idées tout le temps, je nâai pas dâautre talent, mais les idées, oui, jâen ai tout le temps. Il sâétait instauré une certaine dose de relativité dans ma vie et ma capacité à avoir des idées, et bizarrement le fait quâon me mette une certaine pression était vivable.
En revanche, je ne suis jamais rentrée dans les faux bobos, les faux problèmes, les faux « mal-être » de ces gens si gâtés quâétaient les producteurs et les réalisateurs de télévision qui sâinventent sans arrêt des douleurs et des dépressions⦠Des affres et des doutes existentiels qui ne reflètent quâune terrible vacuité.
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Pendant la période où lâon tourne toutes ces images dans les endroits les plus incroyables du monde, je suis donc lacompagne de Nicolas Hulot. Jâai vécu huit ans avec lui. Nous étions un couple qui travaillait ensemble. On a tout fait ensemble, on a créé ensemble ce quâest devenu Ushuaïa . Mais Nicolas mâa également fait prendre conscience dâune planète en danger. Il mâa transmis ce gène immédiatement, et notre combat pendant huit ou neuf ans aura donc
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