Avec Eux...
câest ce que jâappelle la traversée des miroirs, parce quâil mâest arrivé souvent de visiter des pays dans des conditions très différentes : là où jâétais allée avec Nicolas en aventurière, dormant dans un sac de couchage au bord du Zambèze, je retournais avec Douste-Blazy, précédée dâofficiers de sécurité, avec des gyrophares, des hélicoptères⦠Jâétais la même femme dans des circonstances totalement différentes. Au Rwanda, lors de ce retour, une image mâa bouleversée : Philippe Douste-Blazy se penchait sur ces enfants qui parfois avaient le corps coupé en petits morceaux à coups de machettes (câétait une horreur inoubliable), et à un moment donné, il sâest approché dâune fosse, un trou creusé par je ne sais laquelle des deux ethnies(de toute façon ils faisaient les mêmes ravages). Il se penche alors au-dessus du trou où lâon jetait les corps à moitié vivants les uns au-dessus des autres, avec de la terre par-dessus. Et soudain il croit déceler un tout petit cri, le cri dâun bébé. Il demande à ce quâon enlève les corps quâon entassait, des centaines de corps mutilés. Les Rwandais extirpent les cadavres, les uns après les autres, jusquâau moment où Douste a pu soulever une petite fille, un minuscule bébé quâon a ramené ensuite dans lâavion officiel, quâon a soigné évidemment, et dont il a organisé lâadoption par lâun de ses officiers de sécurité (Philippe est dâailleurs le parrain de cette petite fille).
à ce moment-là , je me suis dit que ces deux hommes, Nicolas et Philippe, qui étaient si opposés, qui agissaient dans des registres très différents, ne se rendaient pas dans ces pays lointains pour rien. Ils allaient jusquâau bout de quelque chose et ils avaient une éthique, lâun comme lâautre. Ces deux hommes étaient extrêmement proches de la souffrance du peuple africain, même si les raisons de leurs voyages étaient si différentes. Nicolas venait filmer le delta de lâOkavango et le vol des flamants roses, Philippe Douste-Blazy allait parler du sida et voir le ministre responsable, mais il y avait un même type de comportement. Sans aucun doute, toutes ces expériences ont enrichi mon regard et peut-être aussi renforcé mon besoin dâengagement.
IV
Avec les grands de ce monde
22. Un peu dâhumour dans le protocole
Au moment de ma rencontre avec Philippe Douste-Blazy, alors quâil était à la fois secrétaire dâÃtat à la Santé et maire de Lourdes, il y eut un sommet des chefs dâÃtat africains à Biarritz. Certains avions de ces potentats étaient trop grands pour atterrir sur le tarmac de Biarritz. Celui du roi du Maroc ne pouvait se poser quâà Toulouse, la piste la plus proche qui soit adaptée aux gros-porteurs. On devait envoyer quelquâun du gouvernement pour recevoir le roi du Maroc, tandis quâil fallait quelquâun dâautre pour accueillir tous les autres chefs dâÃtat africains à Biarritz. Câest à Philippe Douste-Blazy quâa échu cette mission. Câétait du temps de Mitterrand, et cela devait être au tout début de son secrétariat dâÃtat à la Santé. Je vais donc le rejoindre à Biarritz et nous partons à lâaéroport pour chercher les chefs dâÃtat africains.
Le premier, je pense que câest Omar Bongo, débarque avec un costume, avec des bottes, en total look panthère. Moi, de loin, je souris, mais je ne suis pas au bout de mes surprises. Je ne souris pas méchamment, loin de moi lâidée même de concevoir une moquerie envers les allures pour le moins « exotiques » de certains de ces chefs dâÃtat africains, mais cela nâa rien à voir avec tout ce que je connais dans la vie, etje sens que cela va être un sommet assez folklorique, avec tout le respect que je dois à tous ces présidents. Une chose cependant me fait éclater de rire, un peu plus tard : au moment du dîner, lâun des présidents descend dans ce bel hôtel du Palais, accueilli avec tout le protocole de rigueur. Il est magnifique, il est très bien habillé, il a un beau costume⦠Mais derrière, il y
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