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Avec Eux...

Avec Eux...

Titel: Avec Eux... Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Cantien
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à partir de quatre ans sur leur capacité à pouvoir continuer dans la vie. À quatre ans, selon leur comportement, on déterminait : « Il va peut-être servir, il ne va sans doute pas être utile. » Le jury était constitué d’infirmières, de médecins, d’on ne sait qui. Dans le cas où un enfant de quatre ans ne se comportait pas comme on pouvait s’y attendre (je ne sais même pas quels étaient les critères !), il était envoyé dans la campagne, à deux cents kilomètres de Bucarest, dans un Kamin Spittal . On a pris une voiture, sans aucune autorisation, mais avec un guide grassement soudoyé, on est partis à la recherche de cet établissement de la honte, qu’on a fini par trouver. On est rentrés dans l’hôpital en apportant des bonbons (et c’est quoi, apporter des bonbons à des enfants qui vont mourir ?). Par près de moins vingt degrés, il y avait des lits dehors, avec des enfants et des grands malades mentaux de trente ans partageant ces mêmes lits, sous des couvertures immondes. La plupart des « patients » étaient couchéspar terre, la nourriture mêlée à cela, avec des vrais fous (je n’aime pas employer le mot « fous », mais des malades mentaux, c’est certain), mélangés à des enfants autistes, et des enfants qui devenaient fous par imprégnation. Ils avaient des yeux démesurés. Ils nous serraient de toutes les maigres forces qu’il leur restait, nous qui étions venus témoigner de leur détresse ultime. Ils nous serraient comme s’ils avaient compris qu’on pouvait peut-être leur sauver la vie, mais c’était juste impossible.
    Â 
    J’ai vu et témoigné qu’un État a été capable de traiter ses enfants de cette manière. Nous l’avons dénoncé. Un homme m’a beaucoup aidée dans ce combat, qui dirige toujours une association en France appelée Enfants de Roumanie, c’est un ancien collaborateur de M. Giscard d’Estaing, et c’est surtout un homme exceptionnel parce qu’il n’a pas lâché prise. Il m’a considérablement aidée à monter le pont d’adoption que TF1 a créé avec moi, à ma demande et à mon initiative, et avec le soutien du Premier ministre de Roumanie de l’époque avec qui j’ai établi une relation très personnelle, et qui s’appelait Petre Roman. Sans Petre Roman, sans TF1 et sans l’association Enfants de Roumanie, nous n’aurions pas pu monter ce pont d’adoption. Des centaines d’enfants ont pu être adoptés par des familles, mais certains étaient dans des états si désastreux que certaines familles, supposées pourtant vouloir accueillir des enfants avec un amour fou, les ont « rendus » par la suite, puisque les petits n’étaient pas « parfaits ». La réflexion à mener sur l’adoption repose sans doute sur cette problématique.
    C’est un souvenir très fort, et je pense que j’ai bien fait de dénoncer tout ça parce que désormais les choses ont un peu changé là-bas, les abandons sont plus surveillés, les enfantssont un peu mieux soignés. Désormais, les fous sont avec les fous, il n’y a plus de « jugement dernier » pour les enfants de quatre ans, et ils sont à peu près scolarisés. Mais je crois que les terribles Kamin Spittal existent encore aujourd’hui, de façon très discrète.
    Â 
    Je suis persuadée que cet élan qui me pousse vers les autres se multiplie, se conforte auprès des hommes dont j’ai partagé la vie. Je connaissais le Rwanda pour y avoir observé les gorilles avec Nicolas Hulot. Je ne pouvais deviner, à ce moment précis, que j’allais revenir au Rwanda dans un tout autre contexte, un contexte effroyable, au moment d’une guerre fratricide entre l’ethnie hutue et l’ethnie tutsie. J’accompagnais cette fois Philippe Douste-Blazy, qui était certes ministre, mais qui s’était rendu là-bas à titre humanitaire, endossant les rôles de ministre, de médiateur, de visiteur français dans un pays en guerre. Nous les Français, nous étions a priori responsables de quelques petits problèmes de ce pays.
    La chose qui m’a le plus frappée,

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