Avec Eux...
lâétiquette, méticuleusement, impeccablement. Ou presqueâ¦
Disons à quelques incidents de parcours près, comme cette fois où je me retrouve dans les bras du Premier ministre chinois après avoir trébuché à la descente dâun avion ! Je devrais monter un club avec Gerald Ford, lâancien Président américain, dont câétait également la spécialité ! Je me revois encore mâentraîner indéfiniment à effectuer la révérence, envue dâun dîner à lâÃlysée en lâhonneur de la reine Elizabeth II dâAngleterre. Je me souviens également de cette réception donnée au Quai dâOrsay pour le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, en visite officielle en France. Nous étions assis côte à côte et il mâavait fait part, en anglais, de sa passion pour la littérature française, en particulier Victor Hugo, dont il connaissait lâÅuvre dâune manière impressionnante. Je lui avais expliqué que cet auteur était tout un symbole pour moi : le premier « écrivain journaliste » à avoir mené des enquêtes, influé sur les lois, créé des manifestations. Jâavais poursuivi la conversation en évoquant le combat de Victor Hugo pour lâégalité des droits⦠Jusquâà ce que je prenne conscience que je me retrouvais sur un terrain délicat, côtoyant dangereusement les Droits de lâhomme, qui en Chine, comme chacun le sait, ne sont pas la priorité !
Cet instantané de ma vie en tant que compagne du ministre des Affaires étrangères est le symbole de ce que jâai pu ressentir de manière plus générale : un mélange de frustration et de paralysie. Parler de Victor Hugo toute une soirée à lâun des plus hauts dignitaires chinois, nâest-ce pas dérisoire, voire inutile ? Jâaurais tellement aimé évoquer de vrais sujets, comme la contestable présence chinoise au Tibet, mais ce nâétait évidemment surtout pas mon rôle. Banalités et petits-fours⦠Jâai donc souvent vécu avec un peu de lassitude tous ces dîners, ces réceptions et autres cocktails officiels où je ne pouvais engager aucun dialogue qui ait un peu de sens. Je tentais désespérément de me fondre dans le décor. Je faisais attention à chacun de mes mots, ne mangeais quâà petites bouchées, de peur dâun faux geste et, en effet, jâévoquais avec légèreté mes fleurs préférées et jâinterrogeais mon interlocuteur sur le meilleur thé de Chine. Questions fondamentales, en effet ! Je me sentais sous opium⦠Volutesbleues comme le lotus de la même couleur⦠Une petite Tintin au Tibet sans Tibet, dans une ambiance très émolliente. Bienvenue au bal des faux-semblants, le paravent des mensonges. Jâai éprouvé un ennui réel lors de toutes ces soirées protocolaires et diplomatiques, un même désir mâhabitait : que la soirée se termine vite, très vite !
Je me suis souvent interrogée sur le rôle de la compagne dâun ministre des Affaires étrangères. En quoi consiste-t-il exactement ? Du silence avec des boucles dâoreilles chic et surtout pas de robe de la même couleur que celle de lâépouse du ministre que lâon reçoit ? Dans ce genre de situation, il faut une personne qui ne réfléchit pas et possède juste ce quâil faut de culture, pour ne pas risquer de prendre en défaut sur un sujet ou sur un autre votre interlocuteur. En somme, il faut savoir faire de la figuration digne.
Jâai toujours été tiraillée entre mon devoir et mes convictions intimes. Je suis convaincue que la fonction dâépouse de ministre nâest pas compatible avec une femme de tempérament. Câest ce que je retiens des confidences dâIsabelle Juppé dans son livre à bicyclette . De la même façon, on peut sâinterroger sur le départ de Cécilia Sarkozy au moment où elle allait devenir ce quâon appelle la « première dame »⦠Moi qui suis journaliste de formation, il mâest impossible de me sentir à lâaise dans ce que lâon appelle le small talk . Les rencontres avec les autres mâimportent trop. Je cherche toujours ce qui va naître
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