Azincourt
ils avaient besoin de place pour bander leurs arcs. Hook était sur
l’avant avec les autres hommes de sir John. Deux cents autres l’accompagnaient
et le reste formait une douzaine de rangées semées d’épieux pointés vers les
Français.
— Restez devant vos épieux afin
que l’ennemi ne puisse les voir ! cria le chevalier en vert.
— Ils ne sont point aveugles,
grommela Will du Dale. Ils ont dû voir ce que nous faisions.
Les Français les observaient. Ils
étaient à un quart de lieue et d’autres arrivaient derrière, masse de couleurs
à cheval sous des bannières plus éclatantes que le ciel où s’amoncelaient les
sombres nuages. La plupart étaient encore à l’horizon où des tentes étaient
dressées, mais des centaines approchaient pour regarder l’armée anglaise.
— Je parie que ces maudits se
rient de nous à en pisser dans leurs braies, dit Tom Scarlet.
Sur la gauche et la droite, les bois
n’étaient plus qu’une silhouette obscure dans la lumière déclinante. Quelques
archers, une fois leurs épieux plantés, allèrent se soulager dans les taillis,
mais les autres regardaient les Français et songeaient que Hook et Scarlet
avaient raison. Les Français devaient rire. Ils étaient déjà quatre à cinq fois
plus nombreux que les Anglais et d’autres arrivaient encore. Hook mit un genou
en terre, se signa et pria saint Crépinien. Il n’était pas le seul à prier. Des
dizaines d’autres étaient agenouillés, tout comme certains hommes d’armes. Des
prêtres parcouraient les rangs pour donner la bénédiction.
— Sauve-nous, murmura-t-il.
Mais le saint ne répondit rien et
Hook se dit que sa prière avait dû se perdre dans l’immensité obscure sous les
nuages menaçants.
La pluie commença à tomber. Froide,
lourde et si malveillante que les archers décordèrent promptement leurs arcs et
roulèrent les cordes sous leurs casques pour les protéger. Les hérauts anglais
partis à la rencontre de leurs confrères français revinrent, leurs chevaux
éclaboussés de boue jusqu’au poitrail.
— Pas de combat ce soir !
annonça sir John. Nous restons où nous sommes ! Pas de feux ni de
bruit ! L’ennemi nous faisant l’honneur de combattre demain, tentez de
dormir.
Hook était encore à genoux.
— Je me battrai le jour de ta
fête, dit-il au saint. Veille sur nous. Protège Mélisande. Protège-nous tous,
je t’en supplie. Au nom du Père, ramène-nous chez nous sains et saufs.
Seul le crépitement sifflant de la
pluie et un grondement de tonnerre lui répondirent.
— Te voilà à genoux,
Hook ? ricana Tom Perrill.
Hook se releva, prêt à l’affronter,
mais Tom Evelgold s’était déjà interposé.
— Tu désires parler à
Hook ? demanda le centenier.
— J’espère que tu seras encore
en vie demain soir, Hook, répondit Perrill, ignorant Evelgold.
— J’espère que nous le serons
tous, répondit Hook, qui haïssait Perrill, mais n’avait pas la force de se
quereller par ce temps.
— Parce que nous n’en avons pas
fini, poursuivit Perrill.
— Que non, convint Hook.
— Tu as tué mon frère, dit
Perrill en le regardant droit dans les yeux. Tu dis le contraire, mais tu l’as
tué, et la mort de ton frère ne nous tient point quittes. J’ai promis quelque
chose à ma mère, et tu sais quoi.
— Vous devriez vous pardonner
l’un à l’autre, dit Evelgold. Si nous nous battons demain, nous devrions être
amis. Nous avons assez d’ennemis comme cela.
— J’ai promesse à tenir,
s’entêta Perrill.
— À ta mère ? demanda
Hook. Une promesse à une putain compte-t-elle ? ne put-il s’empêcher d’ajouter.
— Elle hait ta famille et vous
veut tous morts, répondit Perrill en se contenant. Et tu es le dernier.
— Les Français feront
probablement le bonheur de ta mère, dit Evelgold.
— L’un de nous le fera. Moi ou
eux. Mais je ne te tuerai point durant la bataille. C’est ce que je suis venu
te dire. Tu as assez peur, ricana-t-il, sans avoir à surveiller tes arrières.
— Tu as dit ce que tu avais à
dire, intervint Evelgold. Maintenant, va.
— C’est donc une trêve,
continua Perrill sans relever. Jusqu’à la fin.
— Je ne te tuerai point pendant
la bataille, convint Hook.
— Ni ce soir, ajouta Perrill.
— Ni ce soir.
— Alors dors bien, Hook. C’est
peut-être ta dernière nuit sur terre, conclut Perrill en s’éloignant.
— Pourquoi te hait-il ?
demanda
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