Azincourt
sous les railleries des Français. Dans
l’après-midi, de la fumée commença à s’élever alors que les assiégeants
incendiaient les maisons au pied des remparts. Hook vit la jeune rousse partir
avec un ballot vers le campement des Français. Aucun des fugitifs ne demanda
l’asile à la cité et tous filèrent droit à l’ennemi. La fille se retourna pour
faire ses adieux aux archers. Les premiers arbalétriers ennemis apparurent dans
la fumée, chacun protégé par un compagnon tenant un épais pavois afin de
pouvoir laborieusement réarmer son arbalète après chaque tir. Les lourds carreaux
cognèrent les murailles ou sifflèrent au-dessus de leurs têtes pour retomber
quelque part dans la cité.
Puis, alors que le soleil se
couchait sur la monstrueuse catapulte, une trompette sonna, trois notes claires
et vives dans l’air chargé de fumée, et les arbalétriers cessèrent leurs tirs.
Dans une gerbe d’étincelles, un toit s’effondra au pied des remparts et la
fumée tourbillonna le long de la route de Compiègne, où Hook vit apparaître
deux cavaliers.
Aucun ne portait d’armure, mais
d’éclatantes cottes d’armes et ils n’avaient d’autres armes que de minces
baguettes blanches qu’ils brandissaient. Le sire de Bournonville devait les
attendre, car la porte ouest s’ouvrit et le commandant de la cité sortit avec
un seul compagnon pour trotter à leur rencontre.
— Des hérauts, dit Jack Dancy.
(Il était du Herefordshire et un peu plus âgé que Hook. Il s’était porté
volontaire pour servir sous la bannière bourguignonne, car il avait été pris en
flagrant délit de vol. « Soit j’étais pendu au pays, soit je mourais
ici », lui avait-il un jour confié.) Ils viennent pour nous demander de
nous rendre, espérons que nous le ferons.
— Pour être captifs des
Français ? demanda Hook.
— Non, non, c’est un bon
bougre, dit Dancy en désignant Bournonville. Il s’assurera que nous soyons
épargnés. Si nous nous rendons, nous pourrons partir.
— Où cela ?
— Là où on nous dira d’aller.
Les hérauts, qui étaient suivis à
distance par deux porte-étendards et un sonneur, avaient retrouvé Bournonville
non loin de la porte. Hook les regarda s’incliner depuis leurs selles. C’était
la première fois qu’il en voyait, mais il savait qu’il était interdit de les
attaquer. Un héraut était un observateur qui rapportait à son seigneur ce qu’il
voyait et, même ennemi, il devait être traité avec respect. Les hérauts
parlaient également pour leur seigneur et ceux-là devaient appartenir au roi de
France, car l’une de leurs bannières était française, de soie bleue frappée de
trois lys d’or. Dancy lui indiqua que l’autre, violet avec une croix blanche,
était celui de saint Denis, saint patron de la France, et Hook se demanda si
Denis avait plus d’influence au Ciel que Crépin et Crépinien. Débattaient-ils
de leurs affaires devant Dieu, comme deux plaignants à la cour de justice du
manoir ? se demanda-t-il en effleurant le crucifix en bois autour de son
cou.
Les hommes discutèrent un court
moment, puis s’inclinèrent de nouveau et les hérauts du roi tournèrent bride et
repartirent. Le sire de Bournonville les regarda s’éloigner, puis fit
volte-face et rentra au galop pour s’arrêter sous les remparts près de la
maison incendiée du tanneur et crier quelque chose. C’était en français, langue
dont Hook avait appris quelques rudiments, mais il ajouta en anglais :
— Nous combattrons ! Nous
ne laisserons pas cette citadelle à la France ! Nous combattrons et nous
vaincrons !
Cette annonce retentissante fut
accueillie en silence par les Anglais comme par les Bourguignons. Dancy
soupira ; un carreau siffla au-dessus d’eux et se fracassa dans une rue
voisine. Bournonville, ne recevant pas la moindre réponse de ses hommes, piqua
par la porte qui se referma dans un grincement de charnières, suivi du bruit
sourd de la barre qu’on remettait en place.
Le soleil brillait d’un or rougeâtre
à travers la fumée, lorsqu’une troupe de cavaliers ennemis apparut le long des
remparts, armés et revêtus de leurs armures. L’un d’eux, monté sur un grand
destrier noir, portait une étrange bannière qui flottait derrière lui. C’était
un long morceau de soie rouge unie, translucide devant le soleil, mais à sa vue
les hommes sur les murailles firent le signe de croix.
— L’oriflamme, dit Dancy
Weitere Kostenlose Bücher