Azincourt
toit de
chaume pourri et au paravent de chèvrefeuille derrière lequel Nell, la jeune
épouse de William Snoball, le retrouvait pour faire l’amour en silence. Il se
demanda qui débroussaillait le bois des Trois-Boutons, et pour la millième fois
d’où venait ce nom. La taverne du village portait le même et nul n’en savait la
raison, pas même lord Slayton, qui parfois apparaissait sur le seuil avec ses
béquilles et posait une pièce d’argent sur le comptoir pour payer à tous une
tournée d’ale. Puis il songea aux Perrill, malfaisants et toujours présents. Il
ne pouvait rentrer, désormais, plus jamais, car il était hors-la-loi. Les
Perrill avaient le droit de le tuer et ce ne serait point un assassinat, pas
même un meurtre, car un hors-la-loi n’était pas sous l’aile de la justice. Il
se rappela la fenêtre dans l’écurie de Londres et Dieu qui lui avait demandé
d’emmener la fille. Son échec lui interdirait à jamais de voir la lumière qui
brillait au-delà de cette fenêtre. Sarah. Il murmurait souvent son nom comme si
cela avait pu lui apporter le pardon.
La paix du crépuscule disparut dans
le vacarme. Mais d’abord il y eut une lumière. Sombre, un filet de lumière
rougeâtre qui jaillit comme la langue d’un serpent infernal d’un terrassement
que les Français avaient creusé auprès de l’une de leurs catapultes. Cette
langue de feu fut visible un instant avant d’être obscurcie par un dense nuage
de fumée noire qui se déploya soudain. Puis il y eut le bruit, une explosion
assourdissante qui secoua les cieux tandis que les murailles tremblaient.
L’arc tomba sur le sol. Des oiseaux
s’enfuirent en piaillant. Le soleil avait disparu derrière le nuage noir et
Hook, éberlué, fut convaincu un instant que la terre s’était ouverte et que
l’enfer avait vomi son feu.
— Par le sang du Christ !
s’exclama un archer.
— Je me demandais quand cela
arriverait, se lamenta un autre. C’est une bombarde, expliqua-t-il au premier.
N’en as-tu jamais vu ?
— Jamais.
— Tu les verras à présent.
Hook n’en avait jamais vu non plus
et il frémit quand la seconde bombarde remplit de fumée le ciel estival. Le
lendemain, quatre autres s’y joignirent et les six pièces des Français firent
plus de dommages que les quatre engins de bois. Les catapultes étaient
imprécises et leurs projectiles qui manquaient souvent les remparts
s’écrasaient dans la cité sur des maisons qui prenaient feu dans
l’éparpillement des braises de l’âtre. Mais les boulets de pierre des bouches à
feu rognaient implacablement les murailles déjà en bien mauvais état. Il ne
fallut que deux jours pour que le revêtement extérieur s’écroule dans le large
fossé fétide, puis les artilleurs agrandirent méthodiquement la brèche tandis
que les Bourguignons se défendaient en édifiant une barricade derrière le mur.
Chaque bombarde tirait trois fois
dans la journée, avec la régularité de cloches de monastère appelant les
fidèles à la prière. Les Bourguignons avaient aussi une bombarde, qui avait été
montée sur un bastion au sud, dans l’idée que les Français attaqueraient par la
route de Paris. Il fallut deux jours pour la traîner sur les murailles ouest en
haut d’une tour de guet. Hook fut fasciné par le tube, deux fois long comme son
arc et en forme de chope à ale. L’engin était en fer noirci, posé sur un affût
de bois. Les artilleurs étaient des Hollandais qui observèrent longuement les
bombardes de l’ennemi et finirent par diriger la leur sur l’une d’elles avant
d’entreprendre de la charger laborieusement. De la poudre fut introduite au
fond à l’aide d’une longue louche, une lanterne, puis bien tassée avec un
refouloir couvert d’un linge à son extrémité. Les artilleurs ajoutèrent ensuite
de la terre à l’aide d’un seau et la bourrèrent, puis jouèrent aux dés en
attendant qu’elle sèche. Le boulet, une pierre grossièrement taillée en forme
de sphère, attendit auprès du tube que l’artilleur en chef, un gros homme à la
barbe fourchue, décide que la terre était assez sèche, et seulement alors on le
chargea. Il fut maintenu en place contre la terre et la poudre avec un coin de
bois qu’on martela. Un prêtre vint répandre de l’eau bénite et dire une prière
pendant que les Hollandais ajustaient l’inclinaison de la bouche à feu à l’aide
de longs leviers.
— Recule, mon garçon, dit le
sergent
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