Azincourt
dame.
— Es-tu hors-la-loi ?
demanda le prêtre.
Hook ne répondit pas.
— Réponds, gronda sir William.
— Je trouve son silence plutôt
éloquent, dit la dame. Interrogez-le sur Soissons.
Le prêtre fit une grimace devant son
ton sec, mais il obéit.
— Conte-nous ce qu’il est
advenu à Soissons, demanda-t-il.
Hook raconta de nouveau la trahison
de sir Roger Pallaire, l’entrée des Français, les viols et les massacres.
— Et toi seul en as
réchappé ? demanda aigrement le prêtre.
— Saint Crépinien m’a aidé.
— Oh, vraiment ? ironisa
le prêtre. Voilà qui est bien obligeant.
L’incrédulité planait. Un homme
d’armes réprima un ricanement ; les autres regardaient l’archer d’un air
méprisant. L’un d’eux dévisagea Mélisande et se pencha en murmurant vers son
compagnon, qui se mit à rire.
— À moins que les Français ne
vous aient laissés partir ? demanda soudain le prêtre.
— Non, seigneur ! protesta
Hook.
— Peut-être avaient-ils une
bonne raison pour cela, continua le prêtre. Même un humble archer sait compter
des hommes et si notre seigneur le roi assemble une armée, les Français
aimeraient en connaître le nombre.
— Non, seigneur !
— Ils t’ont donc laissé partir
et payé d’une putain, suggéra le prêtre.
— Ce n’est point une putain,
s’indigna Hook.
Les hommes d’armes ricanèrent.
Mélisande, qui était restée silencieuse jusque-là, comme terrifiée par ces
gaillards en cottes de mailles et par la dame languide vautrée sur les coussins
de la banquette, retrouva soudain sa langue. Elle n’avait peut-être pas compris
l’insulte du prêtre, mais elle en avait perçu le ton. Elle se redressa et
répondit farouchement en français, et si vite que Hook ne comprit pas un mot.
Mais tous les autres parlaient sa langue et personne ne l’interrompit. Hook
comprit qu’elle racontait la chute de Soissons, puis des larmes commencèrent à
rouler sur ses joues tandis qu’elle martelait son histoire devant le prêtre.
Puis les mots lui manquèrent, elle désigna Hook, baissa la tête et se mit à
sangloter.
Il y eut un silence.
— Tu as tué sir Roger
Pallaire ? demanda durement sir William à Hook.
— Oui, seigneur.
— C’est une bonne action de la
part d’un hors-la-loi, approuva son épouse. Si la fille a dit vrai.
— Si, en effet, appuya le prêtre.
— Je la crois, dit la dame en
se levant.
Elle prit son petit chien, alla
relever Mélisande et l’entraîna derrière une tenture dans la pièce voisine. Sir
William attendit son départ et se leva à son tour.
— Je crois qu’il dit la vérité,
mon père, déclara-t-il.
— C’est possible, concéda le
prêtre.
— Je le crois, insista sir
William.
— Nous pourrions
l’éprouver ? suggéra le prêtre en dissimulant à peine son empressement.
— Vous demandez à le
torturer ? s’indigna sir William.
— La vérité est sacrée, mon seigneur,
dit le prêtre en s’inclinant. Et cognoscetis veritatem et veritas liberabit
vos ! Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera,
traduisit-il en se signant.
— Je suis libre, rétorqua sir
William, et notre devoir n’est point d’extorquer la vérité d’un pauvre archer.
Nous laissons cela à d’autres.
— Bien sûr, mon seigneur,
répondit le prêtre avec dépit.
— Alors vous savez où il doit
aller.
— En vérité.
— Occupez-vous-en, alors. Et
toi, en as-tu tué beaucoup ? demanda-t-il à Hook.
— Bon nombre, mon seigneur,
répondit Hook en se rappelant les traits volant au-dessus de la brèche.
— C’est bien, mais tu as aussi
tué sir Roger Pallaire… ce qui fait de toi un héros ou un assassin.
— Je suis un archer, répondit
Hook.
— Et un archer dont l’histoire
doit être contée par-delà les eaux, dit sir William en lui donnant une pièce
d’argent. Nous avons entendu l’histoire de Soissons, continua-t-il tristement,
mais tu es le premier à nous en apporter confirmation.
— S’il y était vraiment, ajouta
insidieusement le prêtre.
— Vous avez entendu la fille,
lui répondit sir William. Et toi, va conter ton histoire en Angleterre.
— Je suis hors-la-loi, hésita
Hook.
— Et tu feras comme il t’est
ordonné. Tu iras en Angleterre.
Et c’est ainsi que Hook et Mélisande
embarquèrent sur un navire faisant voile pour l’Angleterre, puis voyagèrent
avec le coche de poste de Londres. Ils étaient munis
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