Azincourt
ne contenait que deux chaises et une
table, mais il alla en chercher une troisième.
— Asseyez-vous donc !
Il voulut entendre toute l’histoire
de Soissons. Hook et Mélisande, en français et en anglais, la racontèrent de
nouveau. Pendant ce temps, le père Ralph griffait de sa plume les parchemins
qu’il avait tirés de sa besace, posant çà et là une question.
— Parlez-moi des nonnes,
dit-il.
Et Mélisande raconta les sévices
qu’elle avait subis, indignée, avec une telle volubilité qu’il avait peine à la
suivre.
Dehors résonnèrent un bruit de
sabots puis un fracas d’épées. Pendant que Mélisande continuait, Hook alla à la
fenêtre ouverte et vit des hommes en armure s’entraîner. L’un d’eux, qui se distinguait
par son armure noire, se défendait habilement contre deux adversaires. Mais
Hook remarqua qu’ils ne semblaient l’attaquer qu’avec retenue. Les autres
applaudissaient.
— Et gladius diaboli, relut à voix haute le père Ralph, repletus est sanguine. Oh,
voilà qui est excellent !
— Est-ce du latin, mon
père ? demanda Hook.
— Oh, oui, en vérité ! Du
latin ! La langue de Dieu. À moins qu’il ne parle hébreu ? C’est fort
probable et cela doit compliquer les choses dans les cieux, n’est-ce pas ?
Allons-nous tous devoir apprendre l’hébreu ? Ou peut-être saurons-nous
parfaitement parler cette langue lorsque nous arriverons dans les célestes
pâturages. Je disais que l’épée du diable était repue de sang. Vous vous
demandez sans doute pourquoi je rédige votre récit en latin ?
— Oui, mon père.
— Afin que toute la chrétienté
sache quels démons assoiffés de sang sont les Français ! Nous copierons
cela cent fois et l’enverrons à tous les évêques, abbés, rois et princes du
monde chrétien. Qu’ils connaissent la vérité de Soissons et comment les
Français traitent leur propre peuple ! Qu’ils sachent que la France est la
demeure de Satan !
— Satan y demeure en vérité,
dit une voix austère derrière Hook. Et il doit en être chassé !
Hook se retourna et vit l’homme à
l’armure noire sur le seuil. Il avait ôté son casque, ses cheveux bruns étaient
collés à son front. Le jeune homme lui parut familier sans qu’il sache où il
l’avait vu, puis il remarqua la balafre sur le côté du nez et faillit renverser
sa chaise en se précipitant pour s’agenouiller devant son roi, le cœur battant
comme lors de l’assaut de Soissons. Le roi. Il ne pensait plus qu’à cela. Le
roi.
Henry le fit relever d’un geste
agacé et alla voir ce que le prêtre avait écrit.
— Mon latin n’est pas aussi bon
qu’il le devrait, mais je saisis le sens général.
— Cela confirme toutes les
rumeurs que nous avons entendues, Sire, dit le père Ralph.
— Sir Roger Pallaire ?
— Tué par ce jeune homme, Sire,
dit le père Ralph en désignant Hook.
— C’était un traître, dit le
roi d’un ton glacial. Nos agents en France nous l’ont confirmé.
— Il gémit en enfer à présent,
Sire, et jusqu’à la fin des temps, dit le prêtre.
— C’est bien, fit Henry en
feuilletant les parchemins. Les nonnes ? Allons.
— En vérité, Sire. Les fiancées
du Christ ont été violées et massacrées. Arrachées à leurs prières et réduites
à l’état de choses, Sire. Nous l’avions ouï dire et n’avions osé le croire,
mais cette jeune dame l’a attesté.
Le roi posa son regard sur Mélisande
qui, comme Hook, s’était agenouillée en tremblant.
— Lève-toi, lui dit le roi
avant de se tourner vers le crucifix accroché au mur. Pourquoi Dieu a-t-il
autorisé cela, mon père ? Des nonnes ? Dieu aurait dû les
protéger ! Envoyer des anges à leur secours !
— Dieu désirait peut-être que
leur destin soit un signe.
— Un signe ?
— De la cruauté des Français,
Sire, et, par là, de la légitimité de vos prétentions à la couronne de ce
pauvre royaume.
— Mon devoir est donc de venger
les nonnes.
— Vous en avez de nombreux,
Sire, dit humblement le père Ralph, mais c’est en vérité l’un d’eux.
Henry considéra Hook et Mélisande en
pianotant de ses doigts gantés d’acier sur la table. Hook osa lever les yeux et
vit son visage soucieux. Il en fut surpris. Il s’imaginait qu’un roi était
au-dessus de cela, au-delà du bien et du mal, mais il était clair que ce roi-là
était préoccupé du désir de connaître la volonté de Dieu.
— Ces
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