Azteca
trouvèrent un moyen pour surmonter ce handicap. Voici comment :
en faisant un très grand bond, un homme et une femme parvinrent à unir dans les
airs le bas de leur corps, comme le font certains insectes. La légende ne
raconte pas les détails de cet accouplement, ni comment les femmes mirent au
monde les enfants ainsi conçus. Mais on sait que la génération suivante naquit
pourvue de jambes et d’organes génitaux apparents. Voilà pourquoi, en regardant
Poupée de Jade et Chose Délicate frotter leur tipili l’un contre l’autre, je ne
pouvais m’empêcher de penser à ces premiers humains et à leur volonté de
copuler, bien qu’ils n’aient pas été prévus pour ça.
J’ajouterai que, quelles que fussent leurs position et l’ardeur de
leurs caresses, jamais les deux femmes ne se comportèrent avec la brutalité
d’un homme et d’une femme qui s’accouplent. Elles avaient des mouvements
sinueux et non brusques, gracieux, mais jamais obscènes. Souvent, si je n’avais
pas deviné ce qui se passait dans les parties invisibles de leur corps,
j’aurais pu croire qu’elles dormaient, mais tout à coup, je les voyais se
raidir, trembler ou se cambrer. Je n’ai pas fait le compte, mais je suis sûr
que cette nuit-là, Chose Délicate et Poupée de Jade Connurent un plus grand
nombre d’orgasmes que l’homme le plus viril. Entre ces convulsions, elles restaient
sans bouger assez longtemps pour que je puisse les dessiner, séparées ou
enlacées. Si certains croquis furent un peu flous et un peu tremblés, ce ne fut
pas la faute des modèles, si ce n’est que par leurs agissements, ils
troublèrent beaucoup l’artiste. Moi non plus, je n’étais pas une statue et, à
les regarder, je fus saisi de frissons à plusieurs reprises et par deux fois,
mon propre sexe…
Et voilà que Frère Domingo nous quitte précipitamment. C’est étrange
comme les mêmes paroles affectent diversement les uns et les autres. Les mots
évoquent des images différentes pour chacun de nous, même chez des scribes
impersonnels qui ne devraient enregistrer que des sons et n’inscrire sur le
papier que de simples signes.
Puisqu’il en est ainsi, je ferais peut-être mieux de ne pas continuer à
raconter ce que firent les deux femmes au cours de cette longue nuit. A la fin,
elles s’écartèrent l’une de l’autre, épuisées et cherchant leur souffle. Leurs
lèvres et leur tipili étaient rouges et gonflés et leur corps luisant de sueur,
de salive et d’autres sécrétions, était marbré de marques de morsures et de
baisers comme la peau d’un jaguar.
Je me levai silencieusement et de mes mains tremblantes, je ramassai
mon matériel éparpillé autour de moi. Quand je me fus retiré dans un coin de la
chambre, Chose Délicate se leva à son tour et, comme une somnambule, elle
commença à s’habiller. Elle ne me regardait pas, mais je vis des larmes couler
sur son visage.
« Tu dois avoir envie de te reposer », lui dit la reine en
tirant sur la sonnette. « Pitza va te conduire dans une chambre. »
Chose Délicate pleurait toujours silencieusement quand la servante
ensommeillée la fit sortir de la pièce.
« Et si elle allait tout raconter à son mari ? dis-je d’une
voix mal assurée.
— Elle n’osera jamais, me répondit la reine d’un ton ferme.
Fais-moi voir tes dessins. » Je les lui tendis et elle les examina avec
attention. « Ah, c’était comme ça. C’est vraiment exquis. Je crois que je
connais maintenant toutes les sortes de… Quel dommage que mon Seigneur
Nezahualpilli ne m’ait donné que des servantes vieilles et laides. Je vais
garder Chose Délicate à ma disposition pendant quelque temps. »
J’en fus heureux, car je savais quel serait autrement le sort de cette
femme. La reine me rendit les dessins et bâilla en s’étirant voluptueusement.
« Vois-tu, Qualcuie, depuis cette histoire avec ce vieux machin Huaxteca,
je n’ai rien connu de meilleur. »
En retournant dans mes appartements, je me pris à penser que c’était
une chose tout à fait vraisemblable. Une femme doit savoir, beaucoup mieux
qu’aucun homme, comment jouer du corps d’une autre femme et connaît intimement
les recoins les plus secrets et les plus sensibles de son propre corps, et par
conséquent, de celui d’une autre. Il s’ensuit qu’un homme peut tirer profit,
pour sa jouissance personnelle et celle de sa partenaire, d’un tel spectacle.
Je passai donc beaucoup de temps à
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